On avait déjà tenté de vous définir Hildebrandt, cet artiste génial et singulier ici.
îLeL, son dernier album, est sorti vendredi.
Comme Alexandre Jardin a pu transporter ses lecteurs sur son Ile des gauchers, là où on redéfinit l’amour, îLeL est une injonction à se réinventer. Hildebrandt livre dans cet album des pépites de chansons philosophiques qui font grandir.
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Un beau jour de septembre, Wilfried Hildebrandt m’a invitée à embarquer sur son bateau à voiles en me promettant de m’emmener sur son Île. Son îLeL, disait-il. Ça sonnait assez exotique, comme nom. Je n’avais jamais entendu parler de cette destination mais j’ai décidé de lui faire confiance, parce que les voyages avec Hildebrandt ne m’ont jamais déçue.
La voile battait un rythme saccadé, régulier et rassurant, alors que nous approchions de l’embarcadère. Nous avons mis pied à terre.
« La voilà, mon îLeL ! s’exclama-t-il, fou de joie en tournant sur lui-même, bras écartés et paumes tournées vers le soleil.
– C’est magnifique ! Ce ciel violet, ce sable rouge carmin, je n’avais encore jamais vu ça ailleurs ! lui répondis-je, ébahie par tant de beauté.
– Ici, tu verras, tout sera possible. Tu trouveras tes vérités, tu redeviendras le vrai Toi, ton essence. Tu puiseras tout le meilleur pour te recréer. »
C’était assez énigmatique, je dois l’avouer. J’ai alors commencé à explorer cette île dont il me vantait tant les mérites.
L’île était infinie et j’avais envie d’y passer le restant de mes jours, car à chacun de ses recoins explorés dix fois, cent fois, je redécouvrais inexorablement des nouvelles beautés. La musique était partout. Une délicieuse pop transcendantale qui me faisait oublier toutes les conventions sociétales ordinaires. Mes pieds remuaient en tous sens, mon corps s’agitait en des sortes de soubresauts alors que de temps à autre, un de mes bras se jetait dans les airs de manière incontrôlée. Hildebrandt, de loin, m’observait, et semblait heureux : « j’aime quand tu balances maladresses et la grâce, comme ça ». Et il se mettait à danser avec moi en chantant « Au-delà si tu danses à revers, au-delà si tu danses à rêver là, ne change pas » (Revers). Peu importe la façon pourvu qu’on ait la liesse.
Au Sud de l’île, j’appris à dompter mon genre. Féminin, masculin, fémulin, masquinin ? Je découvris LEUR genre. Les îLeLois étaient des êtres humains, tous habillés de rouge, un beau rouge carmin, parés de roses rubis accrochées ça et là dans leurs cheveux, à leur ceinture. Tous, à l’exception cependant d’un remarquable joueur de piano en costume bleu (le fabuleux Albin de la Simone a contribué à cet album). Hildebrandt n’avait pas besoin de jouer le Travesti, il affirmait sa force d’être deux. « Je suis plein, je suis peu, reine et roi dedans moi » (Je suis deux) « Ce qui brûle entre mes jambes ne résume en rien mon être »
Sur îLeL, les peurs inutiles étaient inexistantes. Nulle guerre, nulle maladie. Les îLeLois vivaient idéalement sans jamais avoir besoin de Docteur : « L’ombre des armées désormais moins s’étend ».
Au centre de cette terre colorée, il y avait l’amour. Cette amitié si forte qu’on en fait des déclarations « je t’aime autrement que ma femme, mon frère d’armes ». J’ai réalisé qu’il manquait encore un substantif qui définirait ce lien, quelque part entre l’amour et l’amitié. Et tant mieux ou peu importe si c’est entre hommes : « j’emmerde la morale quand elle met des bornes au féminin » (Garde tout bas). Au centre de cette terre colorée, il y avait l’amour. L’amour si fort qu’il fallait le crier (très puissant titre que ce Vingt) « Ton regard c’est mon soin, mon essence, je n’ai rien fait sans tes yeux immenses ». Au centre de cette terre colorée, il y avait l’amour. L’amour qu’on doit sacraliser (Attends), qui interroge à chaque instant par ses constantes remises en question (Qui de nous) parfois refroidit, (Ce n’est pas qu’il fait froid). « Ce n’est pas qu’il fait froid, mais juste qu’on s’éloigne ». De l’essentiel. Revenons-y, toujours. Au centre de cette terre colorée, il y avait l’amour. L’amour en souvenir, en images animées sous la rétine, et pas en photo (Emilienne).
L’île était infinie mais il me fallait la quitter pour pouvoir la raconter. Plus vivante, plus moi-même. Je connais désormais le chemin, et j’y retournerai souvent.
Violette Dubreuil, de son îLeL pas déserte du tout.