Les éditions Agullo poursuivent leur exploration et mise en avant d’une littérature mondiale et en particulier de celle de l’Europe de l’Est.
Vient de sortir, le roman du serbe Dragan Velikić, La Fenêtre Russe, qui est loin d’être banal !
Le parti pris des points de vue pour commencer : on débute par une confession autobiographique de Danijel qui fut chef d’orchestre et s’adresse à Rudi (jeune homme au destin fumeux et en dents de scie). Adresse autant que monologue intérieur, ce commencement est philosophique, ironique, érotique, polyphonique, familial et vous laisse assez rêveur au final.
Puis l’on suit Rudi Stupar qui voyage beaucoup, galère pas mal, occupe des petits jobs, se prend pour ce qu’il ne peut pas être, fume beaucoup, rencontre des amours multiples et passagères. C’est assez touchant, parfois cru et souvent émaillé de références culturelles.
Une mosaïque d’instants et d’impressions qui vous prend par la main et l’on ne cesse d’avancer. Descriptions minutieuses d’impressions, couleurs, odeurs, goûts, l’auteur est un metteur en scène minutieux de la vie de ses personnages, que l’on suit au plus près de leur ressenti. Où s’arrête le réel et où commence la fiction : la frontière est floue.
Il est aussi pas mal question de voyages en train dans ce roman, vous le découvrirez aisément !
Je me demandais comment qualifier ce livre, et la réponse n’est pas simple : il y a du Perec dans la tentative d’épuisement des détails, du vécu et des pensées, comme du ressenti par tous les sens. Un Perec serbe et lucide, sans illusion mais au plus près de l’humain. En tout cas, voilà un style qui ne m’a pas laissé indifférent.
Voyager est désormais devenu un quasi-interdit, un parcours du combattant alors le mot « évasion », par la lecture, prend encore plus de sens grâce à la Fenêtre Russe.
Bravo au passage à la traductrice, Maria Béjanovska, car le vocabulaire riche et les nuances de pensée doivent être un vrai défi à faire ressortir et à ne pas trahir.
Jérôme « french window »V.