Avec deux pieds en éventail comme label

Un jour, un ami du Lycée me dit qu’il part en voyage en Arabie Saoudite voir son père qui y travaillait et qu’il pouvait me ramener « plein de cassettes pirates ». Il a tenu promesse. Pour 5 francs pièce (moins d’un euro), je lui ai acheté une douzaine de cassettes, copies très illégales d’albums divers dans une sélection assez aléatoire, parmi laquelle se trouvait le fabuleux The Man-Machine de Kraftwerk. Le son était moyen, il y avait du « souffle », mais écouté sur mon Ghetto Blaster Sharp, cela passait assez bien. Fait amusant, toutes ces cassettes fabriquées dans un atelier clandestin portaient un logo curieux : 2 pieds en éventail, et la signature des copieurs se retrouvant aussi bien pour Bruce Springsteen, Blondie et les petits gars de Düsseldorf avec leur look chemise rouge plus cravate noire. Je ne connaissais guère Kraftwerk ; ce fut un choc. J’adore toutes les chansons, cette musique me parle et me procure un plaisir fort.

J’ai usé cette bande jusqu’à la corde, réécouté des dizaines de fois cet album (6 chansons, durée = 36 minutes !). J’ai rendu depuis justice au dieu glouton du Copyright et aux auteurs-compositeurs méritants, me fendant de l’achat 100% légal, sans le logo des pieds sur le CD, à la Fnac. Dans la malle avec mes meilleurs CD, emportée sur l’île déserte, il est sur le dessus.

Aucune chanson ne m’a jamais autant détendu que Neon Lights. 9 minutes dans l’espace. Un pouvoir extraordinaire de relaxation en émane. Pour faire une bonne petite sieste, je mets ce CD précisément, et je vous jure que j’ai sombré souvent avant la fin de Neon Lights, cool, léger, parti loin dans un sommeil réparateur. Quoi, vous ne faites pas la sieste ? Le weekend ou en vacances, cela est plus que recommandé.

Cette chanson est synthétique par son instrumentation, mais organique par sa texture. Elle peut paraître longue, mais c’est une incantation magique, avec des synthétiseurs envoûtés, il faut donc du temps pour que la transe soit effective. Tout au plus 4 lignes pour les paroles, répétées de façon hypnotique et douce. Puis la fin purement instrumentale se déroule à l’infini. Les lampes au néon se mettent à danser sous vos yeux, elles ont une âme. Les sons rebondissent, vous avancez dans une ville inconnue, le soir tombe.

Vous croisez des hommes habillés d’une chemise rouge et d’une cravate noire. Ils parlent allemand. Un drapeau flotte sur une tour de verre et d’acier : deux pieds en éventail claquent au vent.

Vous êtes arrivés au pays des songes légers et frais, ceux que l’on fait pendant une petite sieste.

Neon lights, shimmering neon lights…

Jérôme « The Model » V.

RIP Florian Schneider

 

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