Cet article est le numéro 4 sur 5 du dossier Festival Hop Pop Hop

Loin d’un horizon électro froid et désincarné, les compositions lumineuses d’Irène Drésel vous captent et ne vous lâchent plus. Après deux EP Rita en 2017 et Icône en 2018, son premier album attendu, Hyper Cristal, est sorti en avril dernier. Nous l’avons tout récemment rencontrée en compagnie de son complice Sizo Del Givry lors de leur passage au festival Hop Pop Hop à Orléans. Ce fut l’occasion d’accéder aux coulisses de la mécanique étincelante faite d’un alliage précieux de bpm intenses et de mélodies transcendantes dessinée par Irène Drésel. Et si dans son univers à l’esthétique toujours soignée « Myrthe répond à Marthe », avec Irène l’élégance répond à la subtilité.

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Songazine : Dans ton travail nous avons repéré une forme de dualité, entre une dimension très joyeuse et une énergie très primaire, quasi viscérale. Est ce que c’est un fil conducteur pour toi ?

Irène Drésel : Oui c’est ça, avant je faisais de l’art visuel et mon travail devait répondre à la formule « attraction + répulsion = fascination », cette espèce de phénomène qui t’attire et en même temps te fait reculer. Cette dualité entre les deux états, les forces qui s’opposent…

Sizo Del Givry : Quand les gens voient notre installation sans connaître notre musique, ils sont à des années lumières de savoir ce qu’ils vont découvrir. Ils s’attendent à tout sauf à ça !

Irène Drésel (qui prend une voix très douce ) : on nous dit « oh tiens c’est mignon, cet univers, c’est de la petite chanson », certains m’ont même dit qu’ils avaient hésité à rester. Oui quand tu ne sais vraiment pas qui est l’artiste qui vient derrière et que tu vois le technicien installer une table avec des fleurs, tu peux te dire bon…

Songazine : En live justement, tu as un univers singulier (fleurs, costumes), comment l’as tu imaginé ?

Irène Drésel : A la maison il y a des fleurs partout, des roses, un rosier pleureur le long de la véranda, des roses artificielles, il y en a partout. Quand il y a eu cette date du premier concert qui s’est fixée le 6 avril 2016, je me suis dit naturellement, très vite, je veux mettre des fleurs sur scène. On a fait appel a une amie de Gilles qui est artiste florale qui nous a fait une très belle déco en fleurs naturelles, j’ai adoré, j’ai gardé l’idée en fleurs artificielles.

Pour les costumes, on a essayé beaucoup de tenues. Après les bottes en plastique, j’ai trouvé une autre paire de chaussures, plus confortables.

Songazine : Sur scène vous cassez les codes, l’ambiance est très chaude, loin de l’artiste électro enfermé dans sa tête, austère. C’est quelque chose que vous recherchez, sur laquelle vous travaillez beaucoup ?

Irène Drésel : Je ne travaille rien, ça vient comme ça, ça doit venir de moi… Souvent je me sens bloquée sur ma table, je suis derrière les machines c’est frustrant, j’aimerais bien être devant. Dans un groupe le chanteur chauffe le public entre chaque chanson, là on n’a pas ça. Nous dès qu’on lance le premier son c’est parti pour une heure ou une heure et quart (ça dépend du show) et ensuite on ne parle pas.

Sizo Del Givry : Des fois le public te donne tout de suite, parfois c’est beaucoup plus long, tout le monde n’est pas forcément attentif à ce que tu fais, l’alchimie n’est pas la même, du coup on est obligé de travailler un peu plus pour aller le chercher.

Songazine : Si on revient un peu en arrière, sans que tu résumes ton parcours, tu viens des arts plastiques et de la photo, comment as tu eu envie de changer de support ?

Irène Drésel : En fait j’étais en train de préparer une exposition et j’avais une vidéo pour laquelle j’avais besoin de son et puis de fil en aiguille, je me suis dit ‘mais je peux peut-être le faire moi’ et c’est comme ça que j’ai plongé. J’avais déjà eu envie de faire du son plusieurs années avant mais je n’avais pas eu le courage de m’y mettre. L’ami d’une amie est venue à la maison, m’a montré comment faire et après ça ne m’a plus quittée. Avec l’art visuel, j’étais on va dire, pas très heureuse, il me manquait quelque chose, je ne savais pas quoi, je me cherchais. Au final la musique c’était ça, c’était sûr ! Je suis vraiment contente.

Songazine : Tu travailles beaucoup le son au quotidien, en expérimentant ?

Irène Drésel : Non, je n’expérimente pas trop, je ne suis pas un Géo Trouvetou du son ! Quand je commence un morceau je reste sur le morceau, je ne fais pas d’expérimentation, je me mets au travail avec un planning, des tableaux et après c’est parti… C’est rigoureux, il y a de la magie si tu te mets au travail. Je suis très exigeante, il faut que le morceau me plaise et me plaise des semaines encore après.

Songazine : Comment avez-vous travaillé ensemble sur Hyper Cristal ?

Irène Drésel : Gilles (Sizo Del Givry) m’appuie beaucoup, il me soutient, il écoute, c’est une très bonne oreille. C’est un très bon juge et il rajoute les percussions et les percus live. Il contrôle tous les morceaux que je fais.

Sizo Del Givry : C’est rare que je dise quoi que ce soit, je suis très souvent surpris et soufflé. Elle compose les morceaux et me les envoie. Par exemple, je vais faire de l’escalade dans des endroits reculés où je n’ai plus accès à rien, si ce n’est à la musique que j’ai téléchargée en amont et là quand je l’écoute isolé de tout, je me prends une claque ! J’écoute ça dans des endroits magnifiques et à chaque fois je suis soufflé.

Songazine : On a ressenti une sorte d’effet hypnotique dans Hyper Cristal…

Sizo Del Givry : Irène a beaucoup travaillé sur l’assemblage, sur la chronologie : quel morceau allait avec tel autre.

Irène Drésel : oui sur l’enchainement, j’en suis contente en tout cas.

Songazine : En pensant au morceau Rita notamment, on palpe aussi une dimension spirituelle dans ton travail (qui colle avec l’atmosphère de communion de la musique électro en live). Tu peux nous en dire un mot ?

Irène Drésel : oui Rita, on la fait encore ce soir. J’ai du mal à m’en passer ! L’idée de communion est une belle image, il y a un peu de cérémonial aussi. Une fois on m’avait parlé de « bacchanale techno », c’était intéressant.

Sizo Del Givry : Tu as aussi beaucoup prié Rita, qui est la sainte des âmes perdues, pour sauver des âmes autour de toi.

Irène Drésel : Oui en fait Sainte Rita, c’est la sainte des causes désespérées, la sainte de l’impossible. C’est vrai que j’ai beaucoup prié Sainte Rita et quand j’ai fait mon premier EP je me suis dit qu’il serait pour elle.

Je sens qu’elle est là, j’ai toujours une pensée pour sainte Rita. Mais je ne suis pas trop mystique, j’ai assez les pieds sur terre.

Songazine : Et Marthe, le neuvième morceau d’Hyper Cristal, qui est Marthe ?

Irène Drésel : Myrthe et Marthe, sont deux statues qui sont dans le jardin et deux morceaux qui se suivent dans l’album. (Elle mime leur position).

Sizo Del Givry complète : elles se regardent, elles sont en lien mais elles n’ont pas la même position.

Irène Drésel : moi j’avais l’idée de Marthe et toi, tu avais Myrthe. On n’a pas réfléchi d’avantage, après dans la mythologie grecque la myrte c’est une fleur importante mais il n’y a pas le h. Elle accompagne aussi la Vénus de Botticelli.

Sizo Del Givry : Et les deux morceaux se répondent vraiment, comme les statues.

Songazine : Que peut on vous souhaiter pour la suite ?

Irène Drésel : Ne pas se ternir, il y a encore plein de choses à faire !

Sizo Del Givry : Qu’on continue à s’amuser tout le temps.

Propos recueillis par Veyrenotes & Wunderbear

Crédit photo de une : Morgan Roudaut

Site web d’Irène Drésel

Live report du Hop Pop Hop festival 2019 avec Irène Drésel à retrouver ici.

 

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