Matthias Billard, chanteur du bien décalé duo belge Jules et Jo, également doubleur dans le monde du cinéma, a rassemblé toutes ses passions en cet album, mystérieusement intitulé Hiver(s). Un seul ou plusieurs hivers ? Voilà peut-être un indice sur les sensations que peut procurer l’écoute de ces dix titres : trouble, émotion, confusion.
En train. A vapeur. Trafic. Vacarme des transports.
On s’en va voir la mer,
La nécessaire mer,
Avec Matthias Billard. On s’en va plonger dans dans les eaux profondes de son univers (De la mer)
Nappes électro et rythmiques balnéaires. Les orchestrations hyper suggestives projettent des images sur la toile de notre imaginaire, comme la cavalcade de violoncelle dans La Clairière, qui figure un cheval au galop, ou l’organique Petit Bois.
Arrivée en gare. Un piano bastringue, une voix féminine pour doubler celle du chanteur en latin dans les refrains. Le travail d’orchestration, qui vient prendre le contrepoint du texte, nous fait hésiter entre un film de Tim Burton et une comédie romantique. (Avant que)
Avec une voix moins filtrée que sur les deux précédents titres, qui nous rappelle celle, magnifique, de Dominique A., Matthias Billard évoque le réchauffement climatique, quand le ciel est Noir Fluo. Hors cadre, des pauses en lyrique, nous plongent dans une angoisse qui prend à la gorge. Il y a urgence.
Matthias Billard – Noir Fluo – YouTube
Une autre urgence, aussi, pour les oiseaux migrateurs, qui ne sont pas sans évoquer ceux de Thibaud Defever (Des oiseaux, sur l’album Le Temps qu’il faut dont vous a déjà parlé ici).
Et puis il y a ce qui contrebalance l’écran noir. Il y a la toile blanche, avant même que quoi que ce soit ne soit projeté dessus, quand les portes sont encore ouvertes et qu’on laisse entrer le monde : il y a ce cycle, cet éternel recommencement, qu’est Le bonheur, il y a la tendresse paternelle (Berceuse), il y a Les gens qu’on aime.
On mettra volontairement le dernier titre, Hiver(s), en exergue. Pas seulement parce que c’est le titre de l’album. Mais parce qu’il est vraiment incroyable. Dans l’écriture, c’est un exercice de style dans lequel chaque début de phrase est associé à une fin différente. Et, associé à cette musique, cela fonctionne parfaitement : on y écoutera-là un hymne d’une infinie tristesse apaisée.
Hiver(s) de Matthias Billard est un album aussi étrange que sublime. Simplement fascinant.
Violette Dubreuil, bizarre.