Nous le savons tous, une photo en noir et blanc réussie dégage souvent beaucoup d’émotion. Sobriété, justesse du cadrage, jeu d’ombres et de lumières, focus sur le sujet.
Un rayon de soleil bienveillant qui traverse le champ d’une obscurité oppressante et nous sommes touchés. Un visage buriné en gros plan, un regard, une simple main, une rue déserte à l’aube et le tour est joué. « Trop de couleurs distrait le spectateur » disait jacques Tati, et j’ajouterai trop de texte nous explose la tête.
Là, devant-nous, les 6 titres contenus dans le beau coffre d’ébène Far Life, signé Giirls, aka Brice Delourmel. Beaucoup de noir, peu de blanc et les infinies nuances du gris. Pas de mots, mais des chœurs et du cœur (brisé ?).
Cette musique est lancinante, elle vous attrape l’âme et la propulse au sommet d’une montagne de nostalgie, enneigée d’étrange et peuplée d’êtres flous qui s’enfuient en poussant des petits cris. Des 0 et des 1, des séquences, des beats, des nappes et des transes, voilà les ingrédients broyés dans ce Far Life hallucinogène et puissant, un modèle de «…rêve étrange et pénétrant » (pour paraphraser Verlaine). C’est la musique ultime de fin de nuit d’une surprise partie d’enterrement de vie de glaçon d’une communauté de vampires cultivés, intelligents et attachants. L’aube est annoncée, il faut danser encore, s’aimer peut-être et puis s’enfuir sans bruit.
Ne pas trop en faire par une chronique longue, voici mon hommage discret et compact à cet EP majestueux qu’il vous est nécessaire d’entendre. Aussi précieux, aussi intime que la photo en noir et blanc que vous avez gardée dans un tiroir, qui vous touche à chaque fois que vous la contemplez.
Exit couleur, bonjour profondeur.
Jérôme « not wasting time » V.