Tout de rouge et noir vêtu, ce volume retrace les premières années des Ludwig Von 88, groupe iconique de la scène alternative française, à l’époque où le rock c’était simplement « tout à fond » et où il suffisait d’avoir deux potes et une prise électrique pour créer un groupe de punk. Avec beaucoup de tendresse et autant d’autodérision, Laurent ex Laurent s’attaque au mythique groupe Ludwig von 88, au sein duquel il jouait de la basse, du crayon et aussi un peu du coude au gré des escapades à Bilbao ou Barcelone qui leur ont appris la recette de l’effroyable calimucho (qui est à l’art du cocktail, ce que la pétomanie est au spectacle vivant).
On suit les premiers pas du groupe, de l’ennui poisseux des banlieues parisiennes quil eur fit en main à la fois une guitare et le destin du punk parodique français, aux villages les plus improbables de la ruralité profondes et leur assortiment de plans pourris en tout genre. Car le quotidien d’un groupe de punk c’était des potes qui vous font jouer, des moins potes qui vous en empêchent, beaucoup de bière, peu de sommeil et pas du tout d’argent. Chez les Ludwig, il fallait compter avec un sens de la dérision – qui bousculait jusque dans les rangs du petit monde alternatif – et une passion manifeste pour l’improvisation et le bricolage.
Coucher cette époque sur le papier relevait du funambulisme et, pour sombrer irrémédiablement dans l’hommage dégoulinant ou le militantisme creux, il n’aurait fallu qu’un tout petit faux pas que l’auteur ne fit pas. Laurent ex Laurent se tire plutôt très bien de ce guêpier avec un parti pris graphique d’une grande sobriété (des personnages au trait net, appliqués en avant-plan de photos d’époque) servi par une édition luxueuse. Pour leur premier ouvrage, les éditions El Doggo se sont fait plaisir. Là encore, tout est fait maison, entre potes et l’on se dit en refermant le livre que le DIY devrait être reconnu au rang des idéologies majeures du XXe siècle. C’est, en tout cas, celle qui aura le mieux vieilli.
Je vous recommande évidemment la lecture de cet ouvrage drôlement désinvolte, parfois émouvant (un peu, faut pas pousser quand même) et finalement très classieux.
Henriette de Saint-Fiel
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