Café A, près de la Gare de l’Est, Paris…
La ville de Concord (Californie) a vu naître Fred. Malmö (Suède) a connu les premiers pas de David. Ensemble, ils ont formé le groupe Fews. Ils sortent le 20 mai, leur premier album Means.
Les prémices de Fews commencèrent par la rencontre entre David et Fred, via une plateforme que beaucoup de notre génération ont connu : My Space. « Avant notre rencontre à Berlin, il (David) était déjà un grand fan de ma musique. Il avait écouté toutes mes démos sur mon site » raconte Fred. Puis, lors d’une soirée dans la capitale allemande, ils ont sympathisé et ont remis le couvert le lendemain : « Nous avons gardé contact juste après cette nuit. On s’est retrouvés lors d’une course pour aller chercher de la bière pour la boire dans un parc, » explique David. Ensuite, les deux artistes ont décidé de créer ensemble un premier morceau, l’ébauche de « 10 Things ». David, le Suédois du groupe se rappelle une anecdote : « C’était un véritable cafouillis… » David coupe, « Ce n’était pas professionnel du tout, » le Suédois reprend : « Nous avions loué un studio et nous n’étions encore que tous les deux. Du coup, nous avons demandé au propriétaire de jouer de la batterie sur le morceau. Le problème était qu’il n’avait pas joué de cet instrument depuis des lustres. Il n’était pas prêt. On l’encourageait : « Vas-y gars, joue comme ça, ne t’inquiète pas on va se débrouiller ». Il avait peur de se rater, mais, au final, il s’en sortait bien. D’ailleurs, cette première démo, je l’ai encore sur mon ordinateur. Elle est plutôt cool à l’oreille. »
Après cet événement, ils ont appelé deux amis venus de Suède pour venir leur prêter main forte. Rusty à la batterie et Alex à la basse. « Nous les avons appâtés avec beaucoup de bières », commente David avec humour. Plus tard, ils ont décidé de changer de studio pour aller à Londres, à la rencontre de Dan Carey.
Producteur anglais, mais aussi patron du label Speedy Wunderground et propriétaire du lieu où Fews a enregistré l’album Means. Fred, le seul américain du groupe, se rappelle : « Nos sessions étaient vraiment intenses. Dan est comme un photographe. Il veut capturer le bon moment en une seule prise, voire deux, mais jamais cinq. Sa manière de produire, nous a poussés à être plus performants. Il se concentre toujours sur des petits détails qui peuvent être soit supprimés, soit rajoutés dans une chanson. » Il conclut par le portrait de cet homme : « C’est un génie, mais il est complètement timbré. Il n’est pas seulement notre producteur, il est devenu, aujourd’hui, notre ami. »
Passons à la loupe quelques chansons de l’album. On commence par la première « I.D. » « Je trouve qu’elle est magnifique en morceau d’ouverture. Elle est presque ma favorite. J’adore la jouer en live », avoue David. Fred pense qu’elle représente bien l’ADN post-punk du groupe. Ensuite, pour la troisième « Drinking Games », le guitariste suédois avoue : « Pour commencer : je déteste boire en jouant. Je sais que dans la demi-heure qui suit, je suis aux toilettes ». En face, le chanteur a une autre réponse : « Moi, je m’en fiche, c’est fun. Après, il faut boire avec modération. Cette chanson me rappelle l’esprit de Berlin et cette fameuse soirée où tout a commencé. » On enchaîne avec « 100 Goosebumps », « Elle est complètement barge. J’adore ce côté machine à la batterie, comme une locomotive en marche, » commente Fred, tout en mimant la cadence. David décrit, pour l’occasion, leur batteur : « dans cette chanson, Rusty est comme un automate, un métronome qui bat le rythme. Quand il est lancé, tu ne peux plus l’arrêter. Il est un fucking de robot. Je pense qu’une boîte à rythme arrive à la cheville de son jeu. » Enfin on arrive à la favorite de Songazine, « Ill ». Elle conclut l’album par un moment psychédélique où l’esprit est en perdition.
La préférée de Fred : « J’adore l’interpréter en concert. A la base, elle avait un format court, deux minutes. Tout a changé lors de l’enregistrement, où nous l’avons jouée, jusqu’à nos derniers retranchements. Dan nous a poussé à bout, je n’avais même pas le temps de pisser. Elle est le bouquet final. » « Ill » est l’occasion de parler du synthétiseur Dewanatron Swarmatron : « C’est une machine diabolique. Au départ, on ne savait pas le nom, au studio on la surnommait « The Bomb ». C’était surtout Dan qui l’utilisait. Elle te modifie le son, en mode distordu. Elle est très étrange comme lui, » raconte Fred.
Au niveau des influences musicales, un groupe est au cœur de leurs inspirations : Interpol. Le leader et guitariste Daniel Kessler est leur idole. David à ce sujet : « Je ne pense pas que notre musique s’en rapproche. Pourtant, Interpol nous donne une sensation fantastique que nous n’arrivons toujours pas à expliquer. Daniel Kessler est comme Beethoven mais avec un groupe. Son énergie, son âme d’artiste est juste magnifique.»
Les autres sources de Fews viennent de la littérature et de la peinture. David est attiré par la Trilogie New-Yorkaise de Paul Auster : « Il est l’un des meilleurs écrivains américains. Je l’ai lu, il y a très longtemps. Il est un peu comme Interpol. Il y a quelque chose de mystique que j’adore. Je te conseille de le lire. » Quant à Fred, c’est le peintre belge, René Magritte : « Il est une de mes plus grandes influences. J’aime chez lui cette sensation d’ouverture d’esprit vers ton imaginaire. Quand tu le regardes, tu as l’impression qu’il est démentiel. »
Connaissez-vous Black Uhuru, un groupe de reggae jamaïcain célèbre pour leur chanson Guess Who’s Coming to Dinner (1983) ? La formation possède un point commun avec Fred : « C’est le premier disque que j’ai acheté avec mon argent de poche. Je me souviens, j’avais à peine six, sept ans. Mon père nous avait amené mes frères et moi chez un disquaire à San Francisco pour nous initier à la musique. Il nous à lâché en plein milieu des rayons avec pour mot d’ordre : « Je vous donne un peu d’argent pour choisir votre premier album de musique ». Mes frères avaient acheté des groupes comme Blur. Quant à moi, je ne me rappelle plus si c’était pour me démarquer d’eux. Je pense que je l’ai pris par pur hasard. Au final, depuis ce moment, il m’arrive encore, de temps en temps, d’écouter du reggae, » avoue-t-il avec sourire.
Thomas Monot
Bonus lien :
100 Goosebumps
Ill