Pascal Corriu par Robert Hale

Fasciné depuis toujours par le pouvoir mystique de la musique, Pascal Corriu n’a eu de cesse d’en explorer les univers composites.

L’aventure commence avec Cargo de nuit et continue d’être portée par différentes collaborations, notamment Organik, groupe avec lequel il enregistre un vinyle en 2018. Il s’adonne également à des projets solitaires, dans lesquels il illustre avec poésie ses introspections

Sa sensibilité se retranscrit dans chacune de ses compostions guidées par des notes de guitare enchanteresses que son album A la recherche du Fa perdu met à l’honneur.

Ce sont tous ces sujets ( et bien d’autres) que le musicien a accepté d’aborder avec nous !

Bonjour Pascal! Pourriez-vous nous dire quelques mots à votre propos?

Je suis né à Montpellier, je joue de la guitare depuis que j’ai 14 ans, et chaque année qui passe m’amène encore plus de bonheur en partage avec tous les excellents musiciens avec qui j’ai la chance de jouer régulièrement.

A quel moment avez-vous découvert la guitare? Quelle relation entretenez vous avec cet instrument?

Mes premiers souvenirs remontent à plusieurs années .. avant mon entrée à l’école maternelle ! Ma mère écoutait la radio, et les sons de la guitare électrique et de la batterie me fascinaient.

Je n’avais jamais vu ces instruments mais leurs sons évoquaient pour moi quelque chose de l’ordre de la fascination.

La guitare est votre instrument de prédilection mais vous jouez également du violon, pensez vous que ce sont deux instruments ‘’complémentaires’’?

Ma relation avec la guitare a été d’abord la fascination quand j’ai débuté et progressé vite en autodidacte, puis une certaine frustration, et maintenant depuis pas mal d’années de plus en plus une immense source de bonheur  

Certains de mes héros comme Django Reinhardt ou Allan Holdsworth jouaient aussi du violon, et il y avait selon moi une nécessité d’aller dans cette direction.

J’ai donc pratiqué cet instrument pendant quelques années et cela m’a beaucoup apporté pour la guitare 

Vous avez étudié au GIT aux côtés de Robben Ford (notamment), peut-on dire que c’est à ce moment là que votre style s’est ‘’affirmé’’

Mon année d’étude au GIT a été déterminante dans mon parcours de musicien car c’est à cet instant que j’ai décidé de m’immerger totalement dans la musique.

Mais en fait, plus que mon style « guitaristique » qui était déjà là, c’est surtout ma capacité de travail qui s’est affirmée à ce moment là.

Pascal Corriu sur scène
Pascal Corriu sur scène

Quels sont les Artistes qui vous ont le plus influencé?

Pour moi le modèle  de liberté totale, de maitrise du fond et de la forme artistique c’est Django : il jouait aussi bien de la guitare acoustique que de la guitare électrique ,il a même composé des œuvres d’avant garde. C’était un Artiste très libre, il jouait de la guitare saturée en 1948 …

La liste des artistes et musiciens qui m’ont influencés est tellement longue et concerne tellement de domaines   qu’il faudrait des pages entières… !  (rires)

 Vous débutez les tournées Européennes avec Cargo de nuit, quels souvenirs gardez vous de cette période?

J’ai plein de souvenirs attendris de cette période !

Cargo de Nuit, c’est d’abord pour moi un excellent enregistrement studio où j’ai joué un solo qui me plait toujours tant d’années après

Évidemment, j’étais plus heureux  en tournée en Espagne ou à Paris que sur les bancs de la fac que j’ai séchée allègrement cette année là … 

Vous avez collaboré avec de nombreux musiciens, notamment avec Olympe and the Blues Fellows. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette formation?

Nous avons commencé avec Olympe il y a quelques années par faire des reprises de Blues puis ensuite des compositions communes 

Olympe a une très grande créativité ce qui permet d’écrire trois chansons en une heure  !

Au sein de la formation, il y a aussi mes amis Emmanuel Beer à l’orgue et Lionel Martinez à la batterie.

 Vous faites également partie de Organik Trio, qui allie plusieurs styles musicaux. Pour vous, explorer différents univers est quelque chose d’important?

Oui, le style de ce groupe qui me tient à cœur est inclassable..Nous sommes attirés par des univers hétéroclites et la curiosité est fondamentale pour nous .

Il y a également une certaine symbiose entre nous: Emmanuel Beer( à l’orgue) et Stéphane Beuvelet (à la batterie) trouvent toujours des pistes musicales qui me séduisent.

En 2018, vous présentez avec ce même groupe Time Travelers...une ode au temps qui passe

Ce titre fait plutôt référence aux Voyageurs du Temps, un peu comme si nous étions revenus à la fin des 60 ‘s ou au début des 70 ‘s 

Les sonorités de notre musique sur cet album sont intimement liées à cette époque , comme l’illustre la superbe  pochette du dessinateur Caza.

Le titre de l’album est d’ailleurs illustratif de ce qui se retrouve dans nombre de vos compositions. Ces dernières semblent être empreintes d’un certain spleen ..

Je ne sais pas si l’on peut utiliser le terme Spleen au sens Baudelairien

Mais oui, j’aime qu’il y ait une pointe de mélancolie dans la musique, un peu comme dans la musique brésilienne des années 60…

De la joie et de la tristesse mélangées,en somme.  

Elles sont également marquées par une grande liberté et portent en elles une certaine instantanéité…

Oui, exactement, j’aime, même quand la musique est complexe, qu’elle soit fluide et que nous ayons de la liberté dans le rythme ou le choix des notes …

J’aime aussi qu’il y ait des espaces totalement improvisés dans certains des groupes où je joue .

Beaucoup de vos morceaux ont également un écho «poétique» (Stranger in Town, Somewhere in 70’s.). Pensez vous qu’être musicien, c’est aussi être poète?

Merci d’avoir remarqué cela …..

Je ne sais pas si être musicien c’est être aussi poète  mais Django et Jimi Hendrix mes deux héros ont composé des mélodies et des titres qui portent en eux une grande poésie.

 Être musicien, c’est pour moi tenter de communiquer au monde sa propre vision de la vie…  

– Votre premier album solo, A la recherche du FA perdu, parait en 2000…La guitare est mise en avant, vous semblez d’ailleurs en explorer les variations sonores

Oui la guitare est mise en avant, cependant je n’étais pas encore totalement dans l’expérimentation .. C’est quelque chose qui est venu plus tard, avec Organik.

Dans cet album ma musique est plus cinématique, avec des montages.

C’est aussi une forme de témoignage de votre attache à la Blue Note …

C’est un album autour du blues, mais avec le point de vue d’un Européen …

A cette époque je venais de quitter le groupe Orange Blues.Je commençais à m’émancipé et à écrire des morceaux autour de la musique Afro Américaine. Cependant, j’ai choisis de l’aborder différemment… un peu comme celle qui est traitée dans les films de Godard …

Vous m’avez récemment confié travailler avec des étudiants du lycée Paul Valéry pour redonner vie en image à quelques morceaux de cet opus…

Oui, cinq titres de cet album vont être mis en images par Nino Herouard et Flore Caillat Grenier deux anciens étudiants de la section cinéma de la fac  . 

Seriez vous d’accord de nous parler de Nouvelle Orléans?

C’est un titre aux harmonies gospel, et l’idée de le traiter avec un rythme de la Nouvelle Orléans est venue de Patrice Heral, l’incroyable batteur qui joue sur l’album .

La basse est jouée par Eric Chaussade et les cuivres étaient Franck Nicolas à la trompette et Rémi Dumoulin   au saxophone.

Parallèlement à votre carrière de musicien, vous enseignez au JAM de Montpellier. La transmission du savoir est quelque chose de primordial pour vous

Oui j’adore enseigner et c’est même peut être devenu pour moi une activité encore plus gratifiante sur le plan humain et musical que de jouer en concert ou d’enregistrer…

C’est passionnant de voir la musique et les idées circuler ainsi. La guitare est un instrument tellement riche et complexe tant il y a d’innombrables façons de l’aborder…

Pascal Corriu photographié par Catherine Champion Lampito
Share