Un jour, Lucie Antunes a ouvert la porte d’une cabane en Islande et a vu l’étendue infinie des montagnes. Là tout s’est détendu.

Lucie Antunes nous offre son premier album, Sergeï, sorti le 4 octobre chez CryBaby / InFiné. Sergeï révèle un cheminement intérieur : celui de l’imaginaire, aussi vaste qu’un plan large, tout en créant une bulle dans laquelle nous pouvons projeter nos propres décors et émotions.

Pour en comprendre le tissage, n’oublions pas que Lucie Antunes fut d’abord une stakhanoviste des percussions, à l’époque du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon, où les compétitions s’enchaînaient dans un milieu très exigent et normatif, où il fallait repousser toujours et encore les limites de l’excellence. Avant cela, Lucie Antunes avait débuté enfant la musique classique avec un parcours naturel piano – flûte traversière jusqu’à un changement de direction, une première bravade annonciatrice de la suite à venir, quand vers 15 ans elle décida de se mettre à la batterie.

Au conservatoire, pour Lucie Antunes les concours se suivent, elle gagne de « très jolis prix », mais en perd parfois et transforme sa peine en composant de la musique, sans penser la montrer, la sortir, encore moins imaginer un possible album. Elle adore déjà la musique électronique (Radiohead, Fever Ray, The Knife), la musique de club, conçue pour danser. Le temps passe, Lucie Antunes montre un groupe, puis interprète la batterie pour les autres : Moodoïd, Susheela Raman et Yuksek à qui elle fait écouter quelques compositions. Sous son impulsion elle se rapproche de l’équipe du label Kill The Dj puis CryBaby qui l’affranchit de ses doutes.

Sergeï est né. Mais qui est Sergeï ? « Sergeï c’est l’être intérieur qui est en nous, l’enfant libre que je n’ai pas beaucoup écouté. Cette dernière année, je me suis assumée de plus en plus et cet album est une vrai fierté parce qu’il a été fabriqué, jusqu’au mixage réalisé par Fred Soulard, pensé, aimé, réfléchi de manière super millimétrée. »

Les sept morceaux qui composent l’album sont largement inspirés de musique répétitive et de polyrythmies. Ils offrent un panorama de longues et puissantes étendues aux accords cinématographiques qui surprennent par des ruptures de rythme insoupçonnées. On pense aux voyages qu’on débute avec des images en tête et qui, si on veut bien se laisser aller, peuvent prendre un virage inattendu, nous laisser accéder à autre chose.

Si Sergeï parle à notre esprit, il n’oublie pas de s’adresser à nos jambes. Les nappes du morceau Sergeï, les échos du synthé et le mixage rythmique de Blue Child nous donnent des fourmis dans les pieds tout comme les dissonances inquiétantes et la juxtaposition de thèmes en progression crescendo de Láska au final très électro tandis que les rythmes à cinq temps, ni carrés ni ronds, d’Iceland s’emparent de nous. Dès lors on comprend mieux l’obsession de Lucie Antunes : « celle de créer des morceaux dansants avec une matière complètement asymétrique. »

A l’arrivée on est soufflé par cette œuvre très originale, résolument contemporaine dont la puissante empreinte sonore n’est pas sans évoquer par instant celle de la prodigieuse Léonie Pernet.

Rendez-vous est pris pour voir Sergeï se transformer en live, le jeudi 17 octobre à La Maroquinerie et dans les concerts à suivre. Sur scène, Lucie Antunes, l’ancienne soliste du conservatoire a pensé les choses collectivement. A ses côtés, Franck Berthoux et Jean-Sylvain Le Gouic seront là pour collaborer avec elle et arranger une version qui, nous promet-elle sera encore différente de l’album, mais toujours aussi sincère.

L’impatience guette. Un jour nous irons dormir au creux d’un fjord. En attendant nous voyagerons emmené par Sergeï et son énergie tellurique.

Veyrenotes & Wunderbear

Crédit photo de une : Pierre Andreotti

 

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