Le Temps qu’il faut est le premier opus de Thibaud Defever sous ce nom. Son véritable nom, puisqu’on l’a rencontré auparavant sous le masque de Presque Oui.

J’insère une coupe de tronc d’arbre, essence de la vie, dans mon lecteur (sublime artwork par Maïwenn Le Guhennec). Dépôt du casque sur les oreilles, et plongée dans un cocon infini de douceur au son de la voix et de la guitare de Thibaud Defever accompagné des cordes vertigineuses, douces et enveloppantes du Well Quartet.

Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur, d’aller là-bas vivre ensemble

La vie n’est-elle pas une succession de fugues pour lesquelles on s’en va trouver refuge dans un ailleurs qui nous semble meilleur ? Le premier titre, Fugue (dans les deux sens), annonce l’album. « Qui aujourd’hui s’inquiéterait pour nous ? » si on pouvait partir main dans la main, s’enfuir loin de notre quotidien, vers un monde plus beau et plus doux ? En fait, il n’y a qu’à insérer une coupe de tronc d’arbre dans notre lecteur, et hop. On y est. Tu y es. J’y suis. Je dérive, je me laisse porter, je regarde passer la vie par la fenêtre du train, comme un écran sur lequel les images défilent si vite que la persistance rétinienne n’y résiste pas. J’oublie tout.

On peut aussi fuir en bateau, sans jamais perdre son cap de vue, sans écouter (ou bien si) Ces vents contraires, avec leur air grave de symphonie de Beethoven en introduction, leurs cordes en croches qui annoncent une dure tempête et des tumultes qui perturbent. La vie d’artiste est effectivement une difficile traversée. On peut trouver refuge dans ce bateau sécurisant en pleine tempête, armé d’amour, pour fuir vers son Ile déserte sur laquelle on irait s’installer ensemble pour y vivre à deux, heureux et insouciants. Et rien d’autre n’existerait. Notre bateau, c’est un lit. Ile, c’est peut être LA chanson de la grasse matinée en amoureux ?

Aimer à loisir, aimer et mourir, au pays qui te ressemble

Une autre fugue pour un autre refuge, dans un difficile exil. Des oiseaux de bon augure, des oiseaux qui donnent, qui sauvent et qui offrent à d’autres oiseaux migrateurs une cabane, un endroit chaud et rassurant où passer l’hiver. Aux oiseaux migrants. Une chanson délicate et d’une sensibilité incroyable sur un sujet maintes fois traité, mais jamais sous cet angle.

Le Temps qu’il faut offre un repaire rassurant à une personne en manque de repère. L’amitié.

Les soleils mouillés de ces ciels brouillés pour mon esprit ont les charmes

Oui, les ciels parfois se brouillent. Alors on sort L’artillerie lourde, la crise de couple impose ses troupes, sans batterie ni bombarde, parce qu’à force de se blinder, on finit par mettre le feu aux poudres. Le feu qui Brûle aussi la maison d’enfance qu’on regarde se faire dévorer par les flammes, le cœur en liesse. L’adulte pyromane en résilience. Singulière chanson qui insuffle un vent de mystère.

Si mystérieux de tes traîtres yeux, brillant à travers leurs larmes.

Du mystère aussi, quand l’être aimé s’enfonce Dans la forêt touffue de ses pensées sans semer de cailloux. Des secrets impénétrables, quand l’être aimé fuit on ne sait où et que l’autre l’attend inexorablement. La fin d’une histoire d’amour est évoquée, mais soudain, des subtils pizzicati nous caressent l’oreille, « toujours, nous revenons à nous » (Nous). Ce titre, au refrain très accrocheur, ne nous quitte pas.Idéalement placé en fin d’album, il nous enjoint à parcourir de nouveau les sillons du tronc d’arbre.

Play. Encore une fois. Je vais prendre le Temps qu’il faut pour l’écouter encore. Parce que Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.

Violette Dubreuil

J’ai accepté ton Invitation (et ça n’était pas une erreur)

Share