C’était un lundi matin, et j’avais le cœur serré.
Le vendredi soir précédent, ma Ville-Lumière avait subi une vague rouge de meurtres et d’attentats, avait été meurtrie par des zombies décérébrés et la Mort avait récolté un jackpot d’âmes mitraillées. Stupeur et détonations.
Comme tous mes compatriotes, j’avais mal dormi, fait des cauchemars et regardé BFM TV et mon fil Facebook comme un con pendant des heures. Weekend de merde.
J’allais au travail les yeux rouges, stupéfait que la violence aie frappé si près de moi, mes enfants, mes amis, mes valeurs et mon Bataclan. Je l’avoue, Alep ou Tombouctou c’est loin et à part cliquer sur « like » pour de belles causes, je regardais ailleurs. L’automne arrivait, les pubs de Noël nous polluaient déjà une partie du temps de cerveau disponible. On avait presque oublié notre fièvre #jesuischarlie, pris dans un quotidien occupé, songeant au découvert bancaire et aux projets de 2016.
Et là, paf dans ta face, bonhomme, un aller-retour de claques du Destin allié au Diable…
Le père qui pleure son fils criblé de balles de Kalashnikov, pour la première fois ever, ça pouvait être moi. Pas un Ukrainien sous-titré, pas un Nigérian pixelisé.
Mézigues, ma pomme. 78100 St-Germain en Laye, numéro de Sécu 1610659 etc.
Merde.
Alors, dans ma petite auto, j’ai écouté le disque des Maccabees, « Marks to Prove it », me remémorant le concert lumineux et insouciant d’une fin d’été paisible, dans un festival Rock en Seine empli de joie et d’amitié.
C’est simple : les Maccabees m’ont apporté ce jour de la consolation et du réconfort, par leur musique élevée et raffinée.
Toute l’année j’écris des chroniques de disques, je me creuse la tête pour trouver des adjectifs, des comparaisons, des synonymes, des jeux de mots, des images fortes, voire un angle cocasse, différent, une approche qui intéresse un lecteur potentiel.
Là, je vais faire simple : c’est beau, cet album.
De l’émotion brute et du talent qui l’exprime, voici des chansons qu’on adopte immédiatement comme « Marks to prove it », la grandiose « Spit it out » ou l’entraînante « Something like happiness ». Mais ces 11 chansons s’écoutent toutes avec bonheur, comme il se doit, de A à Z, à l’ancienne.
La voix sensible, ces guitares magnifiques, un bouquet de mélodies imparables et d’arrangements de haut niveau, je radote et dis : c’est beau.
On dit que chaque album que l’on aime est lié à un souvenir précis. Marks to Prove it est celui qui m’a apporté un rayon de lumière dans un moment sombre.
Parce que la fraternité et l’amour emmerdent souverainement la haine, puissent les Maccabees vous apporter aussi quelques moments de grâce.
Aimer les siens, leur dire, profiter de chaque jour, se montrer bienveillant, rechercher la beauté.
Oui, oui, oui, au nom de tous ceux qu’on a recouvert d’un drap sanglant sur un trottoir de Paris, un putain vendredi 13.
Que l’on vous suggère de vous procurer d’urgence cette œuvre sonique relève de l’évidence.
Je vous aime.
Jérôme « did spit it out » V.