Nicolas Jaar- Crédit photo Liliane Talbot
Récemment des amis m’ont demandé de lire un livre, et dedans, en vous passant les 250 pages, un guide spirituel nous explique à quel point la vie ne peut être vécue que dans le présent. Je suis allé voir Nicolas Jaar au Trianon mercredi 30 Novembre, et on va voir ensemble comment faire ça.
L’ouïe, ou la raison d’être ici
On commence simple et on pique dans le vrai : on n’enlèvera pas à Nicolas Jaar son génie ; comme quand vous étiez enfant « tu dis je n’aime pas tu ne dis pas que ce n’est pas bon ». A l’exception de quelques « Allez-là », de « wouhouuuuuus » et de « balaaaaaaaaaaance » stridents ,le son est là, ça tombe bien c’est pour lui que nous aussi nous sommes là. Ça fait du bruit au début, ça nous perd parfois, M. Jaar prend parti de produire, quitte à nous laisser un peu derrière. Puis on part après 30 minutes d’intro, les premières basses. On ne part pas tous au même endroit, mais on le rappellera quand même deux fois à la fin, on aura le droit à un « Merci » du Monsieur. On n’est pas venu pour rien.
Le toucher, ou la découverte de l’autre
Le Trianon était plein, on se débordait littéralement dessus. Alors au début on s’excite on veut être devant on fait la même erreur qu’à chaque fois : « gogogo on arrive tôt on se colle illico ». La même erreur, perpétuelle. On passe derrière rapidement avec quelques agacements pour ces coudes qui trouvent un peu trop facilement vos côtes et votre visage. Derrière on respire on prend une bière on danse. Et là il prend un saxophone et M. Jaar joue, puis il chante. On n’a pas devant soit un mec qui prend une clef USB, non, on a un touche-à-tout qui vous surprendra de toute façon toujours. On effleure, après un temps, une idée de la grâce.
Le goût, ou comment rester concentrer
Pour moi le goût avait celui de la bière, de celle bue avec impatience avant, celles rassurantes pendant et celle du questionnement après. Quand on écoute Nicolas Jaar on ne va pas se disperser, on reste focus, bières à tous les étages comme tout le monde (oui, même au Trianon) avec la modération en plus pour mieux apprécier cet umami musical.
La vue, ou la véritable hallucination
Je passe l’odorat pour parler du plus important. Certes on est là pour le son, d’accord certains comparent déjà M. Jaar à Mozart (véridique, cf La voix du Nord). Mais là où j’ai pris cette claque, là où les étoiles pétillent dans les yeux de mes voisins, c’est ce qu’on a vu. La scénographie n’a rien à voir avec ce qu’a pu faire C2C ou même certains clubs parisiens inondant le public de lumières bariolées. Non non non, on l’a dit : on reste focus. Quasiment toujours une seule couleur derrière M.Jaar, de rares rideaux de spots en fond, un rideau de fumée alimenté en permanence et une impression de cocon qui évolue avec lui et avec nous. C’était fou. Ma vie pour être son photographe.
On touche à l’inéluctable : la fin, et les sons de cloches dissonent du génial au dégoût. Nicolas Jaar est un guide, un maître qui nous amène à ressentir un présent dingue. On met des mots, des impressions là où souvent on ne comprenait rien. Et ce qui est bien là-dedans, c’est qu’on a le droit de ne pas être d’accord, mais on prend une grande leçon d’humilité.
Florian Guillot