Quand un groupe sort un album de reprises, le premier réflexe est de se dire que le groupe n’a sans doute plus rien à dire.
Mais il existe des disques du genre qui sont absolument exceptionnels. Through The Looking Glass des Banshees, Experiment In Terror de La Muerte ou Kicking The Pricks des Bad Seeds, par exemple. Let It Be de Laibach, voire même Brian Ferry reprenant Dylan, aussi.
Est-ce qu’Ourobouros rentre dans cette catégorie des happy few ?
 
Rappelons que, déjà au sein de Metal Radiant, Usher et Chelsea jouaient une première reprise du morceau « I Wanna Be Your Dog » des Stooges. avant de décider de former leur propre groupe, Norma Loy.
Ils reprendront plus tard à leur compte « T.V.Eye », mais aussi le « Voodoo Chile » d’Hendrix et surtout « L’Homme à la Moto », une des plus belles covers qui soient. Qui donc avant eux avait réussi à sublimer une chanson d’Edith Piaf en la transformant en un hit cold wave ?!! Le duo né à Dijon au tout début des années 80 nous a donc déjà prouvé son don pour la cover façon interprétation/ré-appropriation.
Mais pourquoi ce disque aujourd’hui ?
Pourquoi Ourobouros ?
Le serpent qui se mort la queue, pour mieux signifier que Norma Loy revient à ses débuts Metal Radiant?
Un retour à ses origines, sa mythologie, ses influences, ses héros d’antan ? Est-ce à dire que Norma Loy tourne en rond ? « Rebirth » (titre d’ailleurs d’un précédent album) ou phase terminale ?
 
Après quelques écoutes, cet album de reprises parait finalement plus qu’honorable et ce, à plus d’un titre!
Déjà, l’artwork donne carrément envie.
Cet hommage à Bazooka en « front cover » est superbe tout comme l’imagerie à l’intérieur signée Reed O13 (alias Chelsea!).
 
 
 
 
Ensuite, le choix de certains morceaux.
Peu de formations hexagonales se permettraient de reprendre Throbbing Gristle, Factrix, Coil ou encore Nico !
Et quand Norma Loy reprend des artistes plus mainstream, tels Bowie ou Leonard Cohen, ils ont la bonne idée de choisir des titres surprenants car pas vraiment emblématiques.
De même, lorsqu’ils reprennent Suicide, une évidence lorsqu’on connait Norma Loy qui a toujours clamé sa passion pour le duo Rev/Vega, là encore ils vont chercher un titre inattendu : « Touch Me », présent sur le deuxième album de Suicide paru en 1980 et lui-même reprise des Doors. Suicide est tellement dans leur ADN que l’on croirait presque entendre le duo New Yorkais.
Chelsea chante, il faut le préciser, particulièrement juste sur des musiques du reste toujours superbement produites par Usher, aidé parfois du leader des Modules Etranges ou de Peter Rainman (People Theatre), le tout mixé par le Bruxellois Paul Fiction.
La voix de Chelsea a mûri et a parfois des intonations au croisement d’un Peter Murphy et du chanteur de Corpus Delicti, notamment sur « Saeta » de Nico « femme foetale », comme la nomment les Norma. Ouroboros n’est cependant pas parfait.
La reprise d’ « In a Manner Of Speaking » de Tuxedomoon semble par trop scolaire; elle n’apporte rien et est bien moins méritante que celle réalisée il y a quelques années par Martin Gore. « Venus In Furs » est lui plus personnalisé et ré-interprété, mais est également édulcoré de sa sensualité et de sa couleur SM, vidé de sa sève équivoque et troublante ; il est alors difficile de savoir si on aime ou pas cette version en mode rêverie mélancolique.
Pour le coup, Norma Loy n’a peut-être pas fait le bon choix, ce fameux titre étant tellement parfait et intouchable dans sa version Velvet originale.
Plus difficile encore,« Next One Is Real » de Minimal Compact, totalement transformé, mais pas vraiment pour le meilleur. Autre erreur de casting, messieurs!
Enfin, pourquoi cette nouvelle mouture d’un des titres les plus emblématiques de Norma Loy, « Romance », plus vitaminée mais bien moins prenante et émotionnelle que sa version initiale parue aux tout débuts du groupe? A quoi bon ?
L’audacieuse reprise de Coil est bien plus recommandable et honorable, même si la voix de Balance, tellement importante et indissociable de ce morceau, manque cruellement.
Mais quand Chelsea se laisse finalement aller à ses penchants Hare Krishna/Nagashima sur ce même titre d’une grande beauté mélancolique, c’est là que le travail de ré-interprétation et de ré-appropriation prend tout son sel et tout son sens.
D’ailleurs, là où Norma Loy est à son meilleur, c’est dans ses hommages à la scène industrielle. « A Night to forget » de Factrix (le plus cryptique et le plus « This Heat » des groupes californiens!) est superbe et donne envie de redécouvrir ce groupe trop méconnu.
La reprise de David Lynch marque également un des meilleurs moments d’Ouroboros. « What a Day » de Throbbing Gristle est hanté, effrayant, à la limite du supportable. On aime tellement quand Chelsea semble frapper sur sa peau et ses os pour laisser sortir cette sorte de Virus mental qui fait pénétration.
On a envie que sa voix et tout son corps se tortillent comme une anguille, qu’il crache son venin et que son fanon gulaire se déploie et nous explose à la gueule.
« Vraiment mal, vraiment mal » gueulait-il sur une de ses chansons de la fin des 80’s présente sur Rebirth. C’est dans ces moments-là que l’on retrouve la noirceur et la magie de ce duo flamboyant, mystique et hanté, qui a fait les beaux jours ou plutôt les belles nuits de la scène cold wave française remplies d’altercations psychiques.
 
Yannick Blay
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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