Paris, restaurant de La Maroquinerie…
Songazine avait rendez-vous avec Danny, Jakob et James du groupe Night Beats, un vendredi après-midi, avant leur concert.
Leur mélodie réside dans un son garage psychédélique aux influences sixties-seventies. Nous leur avons demandé si la musique était mieux avant : « Bien sûr qu’elle l’était. Mec, à l’époque tout ce qui a été créé a été une innovation en termes de mélodie, de composition. Nous, les groupes d’aujourd’hui avons pour travail de prendre cet héritage et de l’élever vers un autre niveau dans un nouvel âge. » 13th Floor Elevators est le nom d’un groupe texan des années 60. Il est connu par l’utilisation de la cruche électrique, mais aussi pour être le premier groupe à avoir l’appellation « rock psychédélique. » Notre trio en est influencé : « C’est notre principale source d’inspiration dans ce domaine du rock. Nous aimons particulièrement leur chanteur Roky Erickson. On trouve que c’est un chanteur de soul dans un groupe de rock’n’roll. Nous avions tourné ensemble avec lui en 2012. Le rêve est devenu réalité ! Dans le même genre tu as The Golden Dawn qui a les mêmes tripes que les 13th. » Ils possèdent d’autres groupes dans leur répertoire : «Nous puisons dans les sources du Rhythm & Blues des années 50-60. Cette période est la base de tous les groupes de classic rock que tu peux entendre aujourd’hui. Nous écoutons des types comme Jimmy Radcliffe, Sam Fletcher, Sam Cooke. Par ailleurs, c’est de là que vient le nom du groupe de l’album Night Beat (1963) de Sam Cooke, mais avec un S. On te conseille de l’écouter».
¿Habla español?
Revenons sur Who Sold My Generation. Dans notre chronique album, nous avions parlé de Celebration#1. Elle rappelait une mélodie aux reflets du style du groupe allemand CAN : « Elle a un côté psychédélique qui se rapproche du krautrock. Un genre musical que nous apprécions d’écouter. CAN est une figure de proue de ce rock. Elle pourrait s’y prêter au niveau du son et du rythme. » Dans l’œuvre, on retrouve une chanson chantée en espagnol Porque Manãna. Songazine leur a demandé s’ils parlaient la langue de Cervantès : « Un poquito… » Rire général. Jakob de sa dégaine de cow-boy : « On parle le texicanos, un mélange de dialecte texan et d’espagnol. Tu es bien obligé de baragouiner quelques mots, vu que nous sommes originaires d’un Etat proche de la frontière mexicaine. » Danny revient sur le pourquoi du comment : « Elle a pour origine une nana, d’ailleurs certains de nos morceaux sont dérivés de la gente féminine. » Cependant, si la femme a une place importante dans leurs titres, d’autres parlent de sujet sérieux, sur une génération en désillusion : « On ne peut pas se réduire à une de perdue, même si on en chie plus que les autres avant nous. Dans nos chansons, nous ne sommes pas là pour jouer les mères Teresa, en pleurant sur notre sort. Au contraire, nous dénonçons, nous montrons notre quotidien en essayant de bouger les choses. Ce sont les paroles de No Cops ou Last Train to Jordan. » James reprend : « J’ai l’impression, parfois, que la nôtre est condamnée. Elle est plus destructive qu’avant, à cause de l’évolution des technologies des armes. »
Songazine a eu vent qu’un célèbre poème leur a permis de s’épanouir dans leur vie. Le Howl d’Alain Ginsberg. Danny commente : « C’est exact, James m’a donné une copie de l’œuvre de Ginsberg. Ce n’est pas vraiment le contenu des paroles qui m’a inspiré, mais plus la linguistique, la façon dont Ginsberg joue avec les mots et arrive avec subtilité à être engagé contre le système américain. » Jakob quant à lui est plus « William S. Burroughs » et James préfère les Clochards Célestes de Jack Kerouac. Deux dernières questions avant leur concert. S’ils avaient été un artiste ou un groupe de musique des sixties-seventies, ils seraient : « James Brown ! Il n’y a pas photo. C’est le Godfather of Soul. » Enfin ils promettent pour leur prestation : « du sang, des larmes et de la sueur ! »
Place aux musiciens
La Maroquinerie était quasi bondée, vendredi soir, pour la soirée Gonzaï. Un stand d’un célèbre bourbon (JD) se trouvait aussi dans les parages. Avant que les Nights Beats n’arrivent sur scène, deux groupes français ont eu la lourde tache de chauffer la foule. Narco Terror, un duo guitare/batterie déjanté ou ça gueule et ça bourrine. Du grand noise rock. Le public arrive petit à petit dans la salle, curieux d’entendre ce qui se passe en bas. Premier entracte, la salle commence à être pleine. Le public se masse devant la petite scène de La Maroq’. Voilà qu’arrivent les Magnetix, un son garage aguiché d’un clavier. On commence à s’agiter dans la populace. Trois, quatre têtes se lâchent. Certains sur les hauteurs de la salle, commencent à danser. Deuxième et dernier entracte. Enfin, tout le monde est chauffé à blanc. Nous sommes tous collés, serrés, se marchant dessus, se bousculant pour être au plus près de la scène. Les photographes essayent de se faufiler, de trouver le bon spot pour la bonne photo. Lumière éteinte, le spectacle va commencer. Les membres du groupe arrivent en triomphe. Tout le monde les attendait. Un bonjour timide de Danny et soudain la magie s’élance. De Right/Wrong à Bad Love, ils refont l’album devant des spectateurs en délire. Les photographes ont de plus en plus de mal à prendre des photos et se réfugient sur les côtés, face à la marée humaine. On pogotte, slamme, danse, tombe, s’agite, se déhanche, sue, se renverse, prend des souvenirs visuels, sirote un Jack Da’ ou une pinte tout en écoutant, ça fume en discret. Les Nights Beats finissent par un rappel, où rugit un Egypt Berry en apothéose.
Thomas Monot