Et si Barbara avait rencontré un jour Jeff Buckley, ils auraient eu une fille spirituelle qui maitriserait la beauté d’une voix reconnaissable, et des textes mélancoliques qui vous transportent loin, vers un ailleurs qu’on devine emprunt à un spleen plus que certain.

Alysce est à la rencontre de ces deux icones de la chanson, deux univers bercés par la mélancolie, sublimés par la poésie pour en faire des chansons tantôt jazzy tantôt pop, dans la diction il y a du Ferré, et parfois on croirait réentendre Henri Salvador et son groove légendaire.

Mais Alysce c’est plus que des comparaisons, c’est un album sur l’affirmation de soi, une envie de régler ses comptes ?
Non pas vraiment de prime abord, c’est juste que l’arme des mots, la justesse poétique transforme cette énergie dynamique en création libératrice, « Je veux savoir » nous explique-t-elle en 8 titres

Alors, le JE en vaut-il la chandelle ?


Le je affirme ce besoin d’être, l’envie d’aller plus loin que ce qu’on veut bien nous montrer, quitte à y laisser des plumes, tout à tour dans l’amour fou et sa déclaration dans « Bouche à bouche », première incartade chantée dans cet Album, on se surprend à de la naïveté adolescente sur la recherche d’un être aimé qui prend forme, c’est doux et l’orchestration lente vacille dans entre le jazz et les rythmes trap, pop urbaines.

Et puis ça sera tout pour la naïveté… les chansons suivantes sont ancrées dans le féminisme, je vous encourage à aller plus bas sur l’interview pour découvrir son univers et pourquoi ce bel album existe.

« Heureuse dans la fumée », nous prend à la gorge comme une gitane maïs  un matin au petit déjeuner, Alysce n’a rien de naïve, elle évoque les addictions de toute sortes et des soucis qui en découlent.

« Daphné » chanson au refrain particulièrement entêtant, chanson sur la lutte contemporaine des femmes, est particulièrement riche en image,plus de détails dans l’interview plus bas avec l’artiste où elle développe sa vision.

« Je veux savoir » met en lumière tout le talent d’accompagnement et de Co réalisation de Mr David Lewis, fondateur de Paris combo, on sent la pâte jazz, mais aussi pop, une ouverture sur le rythme vraiment bienvenue dans le dosage, comme un grand chef cuisinier qui sait quand assaisonner et quand ne rien mettre, bel ouvrage pour la chanson éponyme.

Cet album 8 titres est une éclosion, ou une explosion, une fleur qui prend feu dans un écrin poétique, Alysce a faim, soif d’apprendre, elle veut savoir nous affirme-t-elle .

On sait juste une chose en écoutant cet album, c’est un bel album et on lui prédit un bel avenir

@pyofficiel

Voici quelques éléments de réponses aux questions concernant cet album, merci à l’artiste d’y avoir répondu.


 
A qui s’adresse cet album ?

Je veux savoir, c’est un album en forme de coming out, dans tous les sens du terme. J’ai écrit ces chansons, comme un chemin pour me libérer des cases dans lesquelles j’ai pas réussi à entrer (et tant mieux, finalement). Je voulais aller à la rencontre de ma nature profonde, et la laisser s’exprimer enfin. Ces chansons sont un témoignage de toutes les bouteilles à la mer que j’ai lancées pour accepter mes bizarreries. J’espère qu’elles donneront de la force à celleux qui se cherchent, se construisent, et qui comme moi n’ont pas reçu la notice pour être « normal ».


Comparé à votre EP sorti en 2017 qu’est-ce qui a changé dans votre manière de composer ou d’aborder les thèmes ?
Tout a changé, ou presque. La racine des chansons reste la version guitare voix, mais l’univers et les références ont évoluées, car j’ai écouté beaucoup plus de pop. Mon premier EP « Désir de Révolte » était très influencé par la musique classique, et particulièrement par ma passion pour la guitare classique. Je jouais aussi avec ma famille, mon père à la deuxième guitare et mon frère à la contrebasse. Pour « Je veux Savoir », j’ai exploré de nouveaux outils, bidouillé des productions dans ma chambre avec des synthés et des boites à rythme, j’ai aussi pris mon indépendance…

J’ai co-réalisé l’album avec David Lewis, qui a beaucoup apporté aux chansons. David est lui aussi un musicien avec un parcours de trompettiste classique, avant de faire de la chanson. Nous avons un langage commun qui a permis d’aller plus loin dans l’arrangement des chansons, d’ajouter de la batterie, des cuivres, des cordes, et de mélanger les genres folk, pop, un peu d’électro, au service des textes.


L’amour est-il toujours libérateur dans les mots et dans les actes ?

L’amour à l’écoute de soi et des autres ça libère probablement… Pour Bouche à bouche, je pensais à toute la force que l’amour amoureux m’apportait, je pensais aussi au sentiment de fusion, d’avoir trouvé chez l’autre ce qui me manquait. Je voulais que ce soit doux et cheesy, tout simple.
 
Heureuse dans la fumée évoque les relations humaines toxiques liées à l’excès ou c’est sur l’addiction des drogues qui se fument ?

Heureuse dans la fumée parle des émotions envahissantes, des névroses qui nous échappent et détruisent les relations. Cette chanson décrit l’impuissance qu’on peut ressentir à l’intérieur des schémas toxiques qui se répètent, mystérieux et insaisissables.

 
Quand vous dites dans la chanson ce soir je suis Daphné, vous cherchez à vous transformer comme dans la mythologie en Laurier ou est-ce le dégout de l’amour qui prédomine ?

Ni l’un ni l’autre, je me sens simplement proche de Daphné, qui est une femme oppressée, qui lutte, et fuit pour échapper à Apollon.


Dans le mythe Daphné se refuse à Apollon, qui la harcèle car fou d’amour suite à la flèche d’Eros, est ce que cette chanson Daphné évoque un féminisme qui fait référence aux sujets d’aujourd’hui (le consentement etc…)

Daphné est une nymphe, la fille de la déesse Diane la chasseresse. Elle représente à la fois la force de Diane, et la délicatesse des nymphes. Apollon la harcèle, pourtant, il représente la beauté. Je trouvais le parallèle avec notre société patriarcale intéressant, où on commence tout juste à parler de consentement, où des comportements problématiques viriles (notamment l’insistance) sont encore valorisés. Aussi, dans le mythe, le père de Daphné lui propose une solution révoltante pour échapper au fameux mec relou : il la transforme en laurier, qu’Apollon porte en couronne, en trophée. Symbole de victoire. Il y a de quoi continuer à lutter.

Cette chanson, je l’ai écrite à l’origine pour un spectacle de danse contemporaine autours de Daphné, avec la Cie Taïvala et l’écrivain Sylvain Patthieu. 


J’ai renversé la table évoque une facette plus active et moins contemplative de l’album, est ce que ça fait parfois du bien de renverser la table ?
Absolument. Ces émotions qui nous submergent quand on a été trop docile permettent de rétablir les limites qui ont été dépassées. Cette chanson a été une vraie libération pour moi. C’est aussi un coming out, commencer à faire du bruit, à prendre de la place, à exister finalement. Ma chanson est du côté des voix qui n’ont pas encore été entendues, pour qui c’est une question de survie de renverser la table, de se faire une place, en sécurité.


La chanson je veux savoir, vous cherchez des réponses, mais finalement est-il bon de tout savoir ?

Je ne sais pas. Mais j’aimerais connaître plus d’histoire de femmes, plus d’héroïnes, plus de projets de meufs, en fait j’aimerais que les histoires auxquelles nous avons accès soient plus inclusives. Je pense que c’est nécessaire.  
 
Pourquoi le plaisir de la lenteur a disparu ?

Quand j’ai écrit Le Goût de la lenteur, je commençais à me rendre compte que les normes ne me correspondaient pas tout à fait : pas vraiment hétéro, carrément dans la lune. La tranquillité de l’innocence a fait place à l’impatience et à la comparaison.
 
Et si Barbara écoutait votre Album vous voudriez quels compliments ? et si aussi Jeff Buckley l’écoutait que dirait il ?

On pourrait faire un trio, ce serait le plus beau des compliments.

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