Swinguez Moustache par Joseph Banderet

Oscillant entre le groove de Duke Ellington et l’univers fantasque de Fletcher Henderson, Swinguez Moustaches est indéniablement un des groupes les plus prometteurs de cette décennie. Après avoir vu paraître un premier EP en 2014,​ L’homme descend du Swinge, ​le collectif​​ regagne les studios en 2019 pour sortir un EP live, au festival Das Fest en Allemagne.

Si leur musique est très empreinte de l’esthétique des jazzmen du début du siècle dernier, c’est avec une certaine aisance qu’ils parviennent à digérer leurs influences pour nous offrir des reprises et compositions teintées de modernité.Notre curiosité ayant été piquée au vif, nous n’avons eu d’autres choix que de contacter le groupe afin d’en savoir un peu plus à leur propos Entre deux chutes de neige nous avons pu nous entretenir avec Julien.

Si vous deviez présenter Swinguez Moustaches en quelques mots ?

C’est un groupe de jeunes musiciens qui a commencé dans les rues de Paris en 2013 et habite aujourd’hui entre Tours et Bruxelles.

A l’époque, c’est par le hasard des rencontres que trois d’entre eux créent le groupe, et rapidement ils intègrent deux autres membres. Cette première formation a sorti un EP en 2014, et depuis 2016 nous jouons en septet. Une formation nombreuse…

A ce propos, comment parvenez-vous à concilier vos influences respectives ? Ce ne doit pas toujours être évident …

Nous nous retrouvons avec quelques références communes, en particulier dans le swing et quelques-unes dans le Bebop et le Hardbop. Il y a cinq arrangeurs dans le groupe, dont le principal est Henri Peyrous, et les quatre autres créent des compositions ou des arrangements de standards de jazz déjà existants. Tout cela nous permet de nous retrouver dans un univers commun.

A quoi le nom fait-il référence ?

C’était une blague entre les premiers musiciens du groupe. Cela a fait rire ceux qui ont suivi et depuis le nom est resté, tout simplement !

En ce qui concerne le processus de création, comment vous organisez vous ?

Certains ont proposé quelques compositions que nous avons tout de suite intégrées au set, mais nous n’en sommes encore qu’au début, car le répertoire est tellement vaste et agréable à jouer que nous avons souvent eu envie de les arranger pour en faire « nos » versions.

A propos des reprises vous avez joué  All of me  de Ruth Etting, ce n’est pas trop impressionnantde reprendre un morceau repris par tous les plus grands musiciens de Jazz ?

Oui, c’est vrai que c’est ambitieux et en même temps nous l’avons fait sans prétention. C’est un morceau que nous aimons tous et qu’on avait envie de partager… ce qui est intéressant c’est aussi de voir l’évolution du morceau puisque chaque musicien a sa sensibilité, ce qui lui permet d’apporter sa touche personnelle, sans vouloir le dénaturer. De plus, ce qui nous plaît avec le swing c’est la danse, et ce morceau s’y prête bien.

Est-ce que vous avez déjà pensé à collaborer avec des danseurs ?

Depuis 2016 nous avons mis en place un bal swing qui se tenait une fois par mois, co-organisé avec une association de danseurs,  Eksa Swing . L’idée était de faire un bal ouvert à tous, à prix libre, avec une initiation de danse avant chaque concert. La formule semble plaire toujours autant car 4 ans après, le public est toujours au rendez-vous ! Par ailleurs, nous avons également travaillé avec les collectifs Caen ça Swing et GardenSwing avec qui nous aurions dû jouer en Novembre dernier. Malheureusement, avec l’arrivée du covid, cela a dû être annulé comme le bal « spécial » que nous avions prévu sous le chapiteau du Cirque Electrique (Paris), lors duquel il y aurait dû avoir des performances de cirque !Le fait de lier les arts entre eux est un processus qui nous tient particulièrement à cœur.

Pourrais-tu me parler de votre premier EP l’Homme descend du Swinge ?

C’est le premier disque de Swinguez Moustaches, sorti en 2014, et qui comprend cinq titres dont quatre compositions originales et une reprise. Nous l’avions enregistré au studio ​Wasia​ qui setrouve à Champigny sur Marne. Le fil conducteur était déjà de faire de la musique qui se danse, et pourtant à l’époque la danse swing n’était pas aussi répandue que maintenant. C’est un album qui représente vraiment les débuts du groupe, car à l’époque il n’y avait que cinq musiciens et les arrangements étaient plus simples. Aujourd’hui, à sept, nous travaillons beaucoup plus les arrangements, le son d’ensemble, et notre musique est assez différente.

En ce qui concerne les morceaux que vous jouez, est ce qu’il y en a un qui te tient particulièrement à cœur ?

Love for sale est un morceau que j’aime beaucoup. Composé par Cole Porter pour une comédie musicale des années 30’s, il a été remis au goût du jour par Dexter Gordon en 1962 dans l’album Go . Lors de sa sortie, la chanson a beaucoup choqué l’opinion publique, à tel point qu’elle était même interdite en radio. L’histoire est d’autant plus intéressante car lorsque Dexter l’a reprise, c’était encore quelque chose de révolutionnaire tant sur le plan de l’esthétiquemusicale qu’à propos des mœurs de l’époque. Pour moi qui suis saxophoniste ténor, je ressens un vrai lien avec ces anciens saxophonistes de jazz pour lesquels j’ai beaucoup de respect et ça me touche de jouer quelque chose qu’eux même avaient interprété à l’époque.

Que dirais tu aux personnes qui pensent le jazz comme une musique élitiste ?

Il y a beaucoup de discours qui vont dans ce sens. Pourtant, le jazz est issu du blues et était audébut une musique populaire, spontanée et vivante. “La vague Swing” et les danses qui lui sont associées, a contribué à son rayonnement et a fait du jazz une musique de plus en plus diffusée.En ce qui nous concerne nous avons un public très hétéroclite et désireux de retrouver ceséchanges entre musique et danse.

Le jazz est aujourd’hui devenu une musique dite « savante »,ce qui crée un paradoxe avec son histoire, mais je pense qu’elle peut s’adresser à toutes et tous encore de nos jours. C’est une musique live, les émotions qu’elle véhicule ressortent beaucoup mieux sur scène que sur les plateformes d’écoute.

Nous voyons de plus en plus de fusion dans la musique, que vois tu fusionner avec le jazz ?

Historiquement le jazz est une musique de métissage… en ce qui me concerne je la verrais bien fusionner avec les nouvelles musiques afro.

Pourrais-tu me parler de vos futurs projets ?

Nous sommes en train de préparer un album qui s’articule autour du swing des années 20 et desannées 40 pour septembre 2021. On espère 13 morceaux et nous allons enregistrer à Midilive qui est un super studio basé en région parisienne. A ce propos nous lançons une campagne participative sur kisskiss bank bank à partir de février prochain.Il sortira sous forme physique et nous espérons pouvoir le présenter sur scène​​ en France et pourquoi pas à l’étranger.

Avec quels artistes aimeriez-vous collaborer ?

Difficile de choisir… En ce qui me concerne j’aime beaucoup Gregory Porter, et je pense que son univers se concilierait bien avec celui de Swinguez Moustaches. Il y aurait aussi la magnifique Dianne Reeves ! Une chanteuse de jazz que j’ai eu l’occasion de rencontrer au festival de jazz in Marciac il y a quelques années et qui m’avait marquée par sa musique et sa présence scénique. Si je ne devais citer que deux artistes ce serait ces deux là.

Quelque chose à rajouter ?

Nous collaborons en ce moment également pour la musique d’un court métrage d’animation intitulé Call & Response qui sortira en juillet prochain. La musique à l’image est aussi quelque chose qui nous intéresse. C’est un projet qui s’étend sur un an. Nous venons d’enregistrer en live,au cinéma de l’école ​Le Méliès​ à Orly.

Swinguez Moustaches en un mot ?

Jazz !

Vous pouvez retrouver Swinguez Moustaches ici:

http://swinguezmoustaches.com/

http://swinguezmoustaches.com/

https://www.instagram.com/swinguezmoustaches/

 

 

Emma Forestier

 

 

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