Éclosion des fleurs, retour des beaux jours et des oiseaux migrateurs annoncent aussi le retour de deux beaux spécimens. Sages comme des sauvages revient ce printemps avec « Maison Maquis » leur nouvel album prévu pour juin, déjà teasé par deux singles à leur image : atypiques, déroutants et poétiques.

Si elle ne vous dit rien, la musique de ce duo franco-américano-greco-corso-bruxellois est une musique qui brouille les frontières et les genres. Ava Carrère et Ismaël Colombani maitrisent à eux deux la guitare et le violon, mais aussi le defi et le bouzouki (tambourin et guitare grecs), le cavaquinho (petite guitare qui accompagne les musiques lusophones du cap vert ou du brésil) pour enchanter les auditeurs d’une magie singulière. Empruntant tantôt au calypso et au maloya caribéens, tantôt à la morna cap-verdienne ou au rebetiko grec, leur musique pourrait s’apparenter à un folklore imaginaire flamboyant. La force du groupe, c’est peut-être d’être toujours là où on ne l’attend pas, proposant des sonorités d’ailleurs qui viennent nous bousculer, et des sujets que la sphère musicale aborde assez peu. Un brin de folie francophone qui embrasse les musiques du monde et nous rappelle parfois des groupes comme Zoufris Maracas, DjeuhDjoah et Lieutenant Nicholson, le Bongo Hop, Hindi Zahra ou encore la Mano Negra.

Dans ces deux derniers singles, les airs d’ici et d’ailleurs viennent porter des jeux de mots poétiques, des métaphores colorées pour décrire avec subtilité l’absurdité de notre société.

Le clip de leur single « Répare ou pas » illustre cet univers aussi déroutant qu’entrainant. Dans une cinématographie dynamique aux teintes chaudes rétro, on assiste à la préparation d’une véritable arène de course stock-car. Immiscés au sein d’un derby de démolition à la Mad Max, nos deux protagonistes vêtus d’une salopette rouge vif s’affairent autour de vieux tacots qui vivent leurs derniers instants de vie sur une piste de terre battue avant de rejoindre la casse. Mais ces drôles de mécanos sont surtout des bricoleurs du son : une batterie percutante associée à la rythmique puissante d’une dombra (sorte de luth) nous plonge dans un folklore-rock aux sonorités d’Asie centrale. L’image et le son nous happent dans un univers brutal qui nous parait vaguement familier. Cette piste ovale sur laquelle se ruent ces voitures qui se détruisent à petit feu crée une sorte de parallèle avec notre société, où les individus s’élancent dans une course infernale où exprimer des « assez » ou des « ah le repos » relève de l’absurdité. Dans un monde où les objets sont construits pour s’éteindre par obsolescence programmée, les artistes posent un dilemme : doit-on avancer aveuglément ou réparer les maux d’une société amochée qui traine de vieilles casseroles ?

Leur dernier single déjà dévoilé « Le Loyer » surprend quant à lui par la délicatesse de l’interprétation d’un sujet aussi froid que la précarité du logement. Entre douces cordes mélancoliques, voix suaves et flux continu d’une batterie souple, le duo dénonce les conditions de survie de Français, de ceux qui « essuient les verres au fond du café » sans parvenir pour autant à se chauffer. Le duo rend ici poétique les problématiques économiques pour requestionner la place de l’argent dans notre condition humaine. « Mais s’il a déjà disparu, pourquoi t’appelles ça un revenu ? », « qui paye pour son sommeil ? », sont des questions illustrées avec justesse par un clip vidéo qui se veut sobre, modeste et sans couleur, où le regard inquiet des artistes, ici plus sage que sauvage, croise le vôtre sans aucun détour. 

Olivia Germaneau

PS : Retrouvez Sages comme des sauvages en tournée :

29 Mars : Plaisir (78) – La Cité des champs

05 Avril : Cannes (06) – Mjc Picaud

04 Mai : Capendu (11) – Espace Culturel Le Chai

25 Mai : Sannois (95) – EMB

30 Mai : Ste Etienne (42) – Paroles & Musique

01 Juin : Saint Sauveur en Pusaye (89) – La Poeterie

07 Juin : Strasbourg (67) – Espace Django

08 Juin : Collonge Bellerive (CH) – Epicentre

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