J’habite dans une des plus belles villes de France.
Agréable, riche, sûre, très bien gérée et au futur prometteur.
Les lumières de Noël y brillent, clignotent, accrochées aux arbres, nombreuses et immanquables (les voit-on depuis la Lune ?), je les aperçois de ma fenêtre, c’est la nuit et je n’ai plus envie de dormir. Ces ampoules sont installées début novembre, allumées en décembre toute la nuit, symbolisant Noël.
Et pourtant ces lumières me glacent le cœur cette nuit.
Deux hommes sont morts en décembre, deux SDF comme on dit. Je les ai croisés très souvent. Leur mort n’est pas celle d’inconnus à 5000 kilomètres d’ici.
Le premier a distribué très longtemps, dans le RER, en bas des escalators, le journal gratuit qu’il tendait à ceux qui l’acceptaient. Geste un peu dérisoire, plein d’humanité, mini-service rendu en échange d’une pièce ou d’un bonjour. Tout le monde le connaissait, de vue. J’apprends sa disparition par un groupe Facebook et son enterrement n’a pu être payé par les maigres apports d’une cagnotte en ligne créée par un citoyen bouleversé. RIP Marcel Petit.
Le second arpentait en silence nos rues et nos jardins publics. Anglais aux yeux bleus purs, doux et digne, il ne réclamait jamais rien, acceptant les pièces et la nourriture avec chaleur. Il a fini par agoniser sous des couvertures, à côté d’une crèche, en plein centre-ville. Il s’est éteint dans une nuit glaciale de fin d’année, invisible, cachant ses derniers jours avec discrétion. RIP John (et je ne connais pas son nom de famille). Gentleman, until the (bitter) end.
Alors, quoi ?
Il n’est pas l’heure de stigmatiser quiconque mais de se poser des questions.
Sérieusement.
Les lumières de Noël brillent comme des boules à facettes de discothèque toute la nuit, le prix d’un téléphone représente un mois de salaire, le litre de gazole dépasse 1,5 euro, je dépense pour mon chat et mon chien (que j’aime) de belles sommes pour leurs croquettes. Mes armoires sont pleines de trucs que je pourrais donner, j’ai regardé ce soir, c’est évident.
JE peux, tu peux, nous pouvons tous faire plus. Aider encore, tendre la main, donner de l’argent, de la nourriture, des vêtements, un sourire, une parole.
Cette année, pas besoin de chercher des résolutions stupides et égoïstes, j’ai trouvé ce qui va faire que l’an prochain, ces lumières de Noël brilleront pour une bonne raison en dessous d’un ciel avec (peut-être) un peu plus d’étoiles.
Et vous ?
Jérôme « thinking about his blue eyes again » V.