L’été reste une saison passionnante, il fait beau, il y a des festivals un peu partout et c’est aussi le moment idéal pour fuir son mode de vie l’espace d’un instant.

Cette année covidée, QR codée, aura accouchée d’un climat assez bizarre, des projets culturels qui rament, jauge par ci jauge par-là, jouera jouera pas, jean qui rit jean qui pleure.

L’été c’est aussi un moment pour se retrouver face à soi même et lire, des trucs fun, ou moins fun, du policier sombre mais qui ne suffit pas à atténuer les coups de soleils malicieux sur une plage landaise, ou encore ces rafraichissants polar islandais, aussi violent qu’un Spritz mal dosé, en retour de plage, celui qui vous fera flotter doucement vers l’apéro et le barbecue.

Au détour d’une conversation animée mais néanmoins amicale, un gilet jaune est-il un antivax ? et toi t’es Moderna ou Pfizer ?  demain pique-nique au Ventoux ou trottinette électrique au Mont Serein, les uns et les autres échangent leurs coups de cœur musicaux ou filmiques.

Me rappelant  soudain cette promesse du 1 er janvier, « lire au moins 5 livres et essais par mois », promesse non tenue, malheureuse pensée évaporée parmi les turpitudes d’un champagne aux bulles discount, nous pensions tous, fous que nous étions, à cette nouvelle  année  libérée, enjouée, délivrée.

Tout à coup, je sors de ma torpeur vauclusienne et on me tend un livre, « Je vais pas me taire parce que t’as mal aux yeux » délicatement sous-titré « autopsie de la chanson française »

« toi qui es dans la musique ça devrait te faire rire, moi j’ai bien aimé »

Je saisis ledit ouvrage, estampillé « J’ai Lu » et je découvre en couverture dessinée par Olivier Laude célèbre illustrateur, Zaz qui serre dans ces bras hilare un Michel Sardou en croque mort, et un Booba poseur défiant le lecteur…

L’auteure, Sara Dahan une journaliste culture et société au chemin de vie parsemée de Brain Magazine Les Inrocks ou encore Konbini, se serait donc lancée dans la rubrique nécrologique de notre belle chanson française ?

En retournant le livre paru en 2015, on s’aperçoit très rapidement, que ce livre est placé sous le signe vertueux de l’humour, noir comme le café de mamie, celui qui une fois dans votre bouche vous fait grincer des dents, grimacer et parfois regretter.

Où part Zaz en vacances ? A quoi rêve une fan d’Indochine ? Quel chanteur de droite êtes-vous ?

Humour, provoc, été, détente, parfait, le Cocktail Molotov d’une lecture brulante et dévastatrice, ça va dessouder de la reusta en mode mauvaise foi !

159 pages bien catégorisées dans un sommaire aussi alléchant qu’un menu au KFC, où la tendresse d’un tenders côtoie le croustillant de l’anecdote, on a faim.

« dix choses mieux qu’une chanson de Calogero » des portraits de fan de Mylène Farmer, de Camille, ou encore « le métal français » (mon préféré et tellement vrai)

Tout le monde en prend plein sa gueule dans une justesse d’écriture et de ton assez drôle, l’analyse est fine et surtout étayée, ça pourrait etre un bon spectacle de stand up tant la vanne est synthétisée.

On apprend des trucs sympas sur le vocabulaire, notamment d’où vient le terme « morray » utilisé à toutes les sauces par Booba, ou encore des phrases types pour briller  et snober en société.

Alors est ce méchant ? gratuit ? diffamant ? ça aurait pu l’être si la personne n’avait pas un talent d’écriture, qui aime bien châtie bien, ce livre n’a pas d’autres destination que le rire, ou le sourire, c’est marrant et ça fait du bien.

Ça se lit en une fois, c’est absolument divertissant, mais c’est vrai qu’il s’adresse un peu comme à tous les fans de Kamelott, à un public de connaisseur.

Il faut avoir une bonne culture musicale pour saisir la vanne sinon vous risquez de passer à coté de l’aspect drôle et vous sentir directement visé, par exemple pour les fans d’Indochine ou de Mylène Farmer.

Le tout est parsemé de dilemme de vie un peu comme un Jean Pierre Fanguin survolté…, et si la question est vite répondue, oui on sourit, à ces noms qu’on croyait disparu que devient Tal ? le Raï’N’B ? Leslie ?

Dans mon hamac à la lueur de ma frontale je passe un super bon moment, je me surprends à pouffer de rire, plaisir coupable d’une époque où le moindre écart est sanctionné, c’est bien l’été, tiens déjà l’hiver ? rions sans entraves mes amis, détendez-vous « Winter is coming »

PY

https://livre.fnac.com/a7634000/Sarah-Dahan-Je-vais-pas-me-taire-parce-que-t-as-mal-aux-yeux

 

Sara Dahan a bien voulu répondre à mes questions, et je l’en remercie !

Comment se met-on à écrire un livre sur une autopsie de la chanson française ? Quel fut l’élément déclencheur ?

Ce n’est pas un livre SUR une autopsie de la chanson française, « autopsie de la chanson française » est le sous-titre de mon livre. Pour annoncer le côté un peu « mordant » du contenu. Il n’y a pas eu d’élément déclencheur, c’est plutôt un sentiment d’accumulation de frustration sur toutes ces années, un trop plein qui a fini par jaillir dans un livre.

De prime abord, est-ce que le livre n’est pas du French Bashing ?

Oui et non. Je dirais que c’est surtout un livre à travers lequel je règle mes comptes avec une certaine chanson française. A vrai dire il y a 1001 « chansons françaises », il y a plein de choses qui sont très bien et que j’aime et d’autres que je n’aime pas. Donc j’ai voulu pointer du doigt ce qui me deplait. Notamment la variété-soupe des années 90. Ce livre est très subjectif, c’est de l’humour et de l’humeur !

Est-ce que certains artistes présents dans votre livre n’ont pas apprécié l’humour noir ? ou au contraire avez-vous eu des retours positifs ?

Benjamin Biolay avait réagi assez violemment sur Twitter à mon encontre. Puis s’était excusé quelques semaines plus tard après m’avoir vue dans l’émission Le Before de Canal +, il m’a dit avoir mieux compris la démarche après avoir visionné mon interview.

Sinon, il y a une chanteuse qui m’a dit qu’elle aurait bien aimé figurer dans le livre, mais je ne dirai pas qui !

Vous avez fait des études de journalisme à Londres, vous avez baigné dans un contexte anglophone, comment perçoivent-ils la chanson française ?

C’était il y a presque 15 ans donc cette vision-là n’est plus d’actualité. A l’époque pour les anglais la chanson française c’était Serge Gainsbourg, aujorud’hui je ne sais pas ce qu’il en est mais je sais que Christine&the queens a beaucoup de succès là-bas (mais je ne sais pas si ses chansons en français y sont aussi diffusées).

Beaucoup d’informations assez précises, des anecdotes, comment avez-vous procédé pour recueillir toutes ces informations ?

Beaucoup de recherches et de documentations, autant écrites que vidéos !

Est-ce que finalement la chanson française ne manque pas de renouvellement ? en lisant le livre on s’aperçoit que c’est toujours les mêmes ?

 La sortie du livre date de 2015, je l’ai écrit en 2014 et le paysage musical français a énormément changé depuis lors. Parfois pour le pire, parfois pour le meilleur.

Mais les « grands » noms de la variété française que j’aborde dans le livre (obispo, benabar, sardou, etc..) sont toujours omniprésents dans les médias qui, eux, ne prennent pas la mesure de toute les propositions que peut offrir la chanson française aujourd’hui. Aujourd’hui tous les jeunes groupes et artistes chantent en français, il y a dix ans, ce n’était pas encore le cas, les groupes indés chantent désormais en français. Typiquement, pour moi La femme est la meilleure réponse à toute la variété ringarde qu’on continue à se fader à la télévision.

Est-ce que la chanson française a encore quelque chose à dire ou est-ce les chanteurs qui tournent en rond ?

Pour revenir à ce que j’évoquais plus haut, plein de groupes et artistes ont émergé : la femme, aline, francois & the atlas mountains, fishbach, l’impératrice donc, non, pas toute la chanson francaise ne tourne en rond. C’est juste dommage que les médias mainstream, du service public et d’ailleurs, ne fassent plus leur travail de découvertes et de défrichage, et se contente de suivre ce qui se passe à côté d’eux.

De plus, il y a des figures populaires qui ont émergé, qui font de la chanson chiadée, travaillée, avec une belle D.A, je pense notamment à Juliette Armanet.

Enfin, le rap est plus présent que jamais, à la radio comme au quotidien, et pour l’instant il est ce qu’il se fait de plus intéressant à un niveau « mainstream ».

Est-ce que le rap va sauver la chanson française ?

C’est selon moi déjà ce qui est en train de se passer. On remarque que depuis quelques années, les rappeurs veulent chanter, il y a des mélodies, des refrains qui restent en tête et ils ne s’en cachent pas, Booba l’a dit lui-même. Je pense à lui mais aussi à Soprano, Gims, ou encore Jul.

Le cas Jul est très intéressant, hyper productif et hyper populaire, il génère des tubes à la pelle et est devenu un véritable phénomène de société.

Avec le collectif Bande Organisée il a mis en lumière plein de rappeurs de la région de Marseille. Je dirais que le rap français n’a jamais été aussi dynamique et surtout POPULAIRE. Aujourd’hui tous les ados, de n’importe quel milieu social,  écoutent du rap, et font du rap dans leur chambre, avant c’était le groupe de rock dans le garage…

Paru en 2015, si vous deviez faire une mise à jour pour 2022 de cette autopsie qui intégreriez-vous ?

Même s’il n’est pas nouveau je consacrerais un chapitre à Julien Doré !

Et j’ajouterais un Eddy de Pretto qui me semble être un produit marketing plus qu’autre chose.

Dernièrement qu’est-ce qui vous a consterné en matière de musique ?

Cf la réponse du dessus !

 

 

PY

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