Ludovic Magoarou

Songazine apprécie la musique de cet artiste du Havre et a voulu en savoir plus. Lisez cette interview où vous apprendrez ce qu’est une démarche de A à Z pour sortir un disque…de qualité.

Premier album ? D’autres productions déjà publiées ?

C’est un premier album effectivement, signé sous mon nom. Il y a quelques années, j’ai officié au sein d’un groupe de rock, la folie ordinaire, avec lequel j’ai eu la chance de pouvoir faire des albums et des concerts (joyeux bordel en 1999, moments volés en 2002 et borderline en 2005). Ceux ci sont restés assez confidentiels dans le sens ou il n’y a pas eu de distribution nationale (sauf pour moments volés distribué sur une courte durée à l’époque par XIII bis records) ; et à la fois quelques 200 concerts étalés sur 7 ans de vie musicale commune avec le groupe. La chance aussi de croiser quelques grands noms de la chanson comme les Rita Mitsouko, Miossec, Blankass, ou Eiffel. Le groupe avait été élu Découverte du Printemps de Bourges en 2003 et nous avions également participé aux Francofolies de la Rochelle en 2004 en tant que découverte. L’aventure s’est terminée en 2005, et j’ai alors cherché du boulot (un vrai boulot ;-)). J’ai arrêté la musique quelques temps, et puis cette passion pour la chanson est revenue tout doucement me titiller, le goût des mots, les mélodies qui tapotent l’âme m’ont donné envie à nouveau de composer, de créer, d’écrire tout simplement.

Ludovic MagoarouReçu le nouveau CD que nous avons écouté et apprécié, bravo ! : Comment s’est passé le travail sur les chansons ?

Celui ci est le résultat de quelques années de travail de 2011 à 2015 autour de ces chansons avec mon ami Gil Lasserre (Jacobson, A guy in light), qui a réalisé les arrangements. Lui étant intermittent il travaillait souvent le soir, alors que moi je travaillais en journée, donc il a fallu trouver des créneaux pour travailler sur les chansons, souvent le dimanche et le lundi soir, autour d’une bonne pizza et d’un verre de vin. Des heures durant, nous avons essayé de tirer le meilleur parti des idées directrices que j’avais pu constituer sur une maquette réalisée avec le fameux logiciel libre « Audacity », et puis j’ai ensuite laissé les mains libres à Gil afin qu’il puisse s’exprimer pleinement autour des chansons. Une recherche sur les ambiances sonores a été amorcée, et chaque chanson a été l’objet de longs échanges afin de faire les bons choix d’instruments et de trouver un équilibre dans la manière d’agencer ceux ci autour du texte. J’avais écrit la plupart des textes depuis déjà un bon moment, je les avais laissé mûrir un peu comme on laisse vieillir le vin, une façon pour moi de revenir dessus au besoin avec l’objectivité nécessaire, une façon de voir si ceux ci pouvaient se rider de bonne manière et traverser le temps sans trop d’encombres.

Énorme travail d’illustration, un mini-poster dépliable avec les paroles et des dessins

originaux : une démarche perfectionniste et généreuse ? Oui c’est un superbe travail d’illustration qu’a réalisé Olivier Brut, un dessinateur Parisien et dont j’avais repéré les illustrations sur le net. J’aime sa touche et surtout son approche des formes et des couleurs. Pour moi c’est un grand dessinateur avec une approche à la Giacometti, avec ses personnages à l’encre dessinés tout en filigrane. J’avais vu qu’il avait déjà travaillé sur des pochettes de disque pour un tribute sur les dogs, et également pour un disque de Little Bob et kitchenmen. Je lui ai proposé de réaliser les dessins à l’encre et après écoute des titres il a accepté ma proposition. J’ai toujours aimé travailler avec des dessinateurs pour illustrer les disques que j’ai pu faire (j’avais déjà travaillé avec le dessinateur Riff Rebs sur des projets antérieurs). Le fait d’associer 2 mondes, celui des chansons et du dessin amène une richesse infinie tant dans les échanges que sur la création en elle même. Et puis l’emballage de la musique reste pour moi tout aussi important que le disque. J’aime cette sensation de toucher l’objet, l’idée d’éveiller les sens et la curiosité avec des formes, des couleurs, une vision poétique illustrée en quelque sorte. Une fois les dessins réalisés il a fallu les agencer, et avec l’aide d’un ami, Matthieu Batteau, et de Photoshop, nous sommes partis sur cette idée de poster, quelques séances de boulot chez Gulli (et oui il fallait bien occuper les enfants pendant ce temps) nous auront permis de finaliser le travail sur l’objet en tant que tel.

Et pour financer le disque, des soutiens ?

Le disque a été entièrement financé avec mes économies, au fil du temps. Et les personnes avec qui j’ai travaillé ayant bien compris le sens de la démarche, n’ont pas été gourmandes concernant leurs prestations, l’amitié et l’envie aidant aussi pour ce type de projet. L’étape la plus coûteuse a été celle du pressage. Après, je n’ai rien contre les subventions ou autres, mais je trouve qu’on n’est jamais vraiment libres avec ce type de démarche. Tenté un moment par le crowdfunding, je n’ai pas voulu à la réflexion solliciter les proches pour un projet dont je ne connaissais pas à l’avance le résultat. Je voulais un objet produit en totales indépendance et liberté de choix et d’action. Influences claires de grands maîtres que nous aimons. Quelques mots sur Bashung,

Ludovic MagoarouGainsbourg ou Higelin ?

Vous avez vu juste au niveau des influences (il y en a beaucoup d’autres bien sur, comme Miossec, Daniel Darc, Mano Solo ou Bortek…). Bashung est évidemment un personnage atypique dans le monde de la chanson et une influence majeure. Ses albums sont bouleversants de sincérité, de profondeur, de poésie, de noirceur et de lumière imbriquées l’une dans l’autre, de désespérance assumée. Je parle au présent car  ses chansons brillent toujours, et pour un long moment. « Fantaisie Militaire » est un de mes disques de chevet, cet album emmène loin, très loin. J’ai eu la chance de le voir lors de sa tournée des grands espaces, il était au sommet de son art. Quel plaisir de remettre un petit Bashung sur sa platine de temps à autre, de « vertiges de l’amour » à « osez Joséphine », de « bijou, bijou » à « volutes », on écoute, on voyage, et c’est tout ce qu’on demande à une chanson.

Gainsbourg, que dire ? Tout a été déjà dit… L’un des plus grands évidemment, mon album préféré « l’homme à la tête de chou » (d’ailleurs ré interprété entièrement et superbement par Bashung) suivi de très près par « aux armes et caetera » et « histoire de Melody Nelson ». Sur mon album, la chanson « cap » ou pas cap » » est un clin d’œil funky à la période eighties de Gainsbarre virant Gainsbourg. Dans les arrangements et dans l’esprit on est assez proche d’un « no comment ». Et oui, en 1984 j’avais 10 ans. Un album comme « love on the beat » ça marque quand on est môme.

Higelin ? croisé une fois dans son fief à la Rochelle… Des chansons comme « champagne » ou  « je suis amoureux d’une cigarette » sont évidemment des exemples à suivre pour tout chansonnier qui se respecte. Allez tiens ca fait un moment que je ne l’ai pas écouté celle là, je la mets sur la platine pour la peine.

Dernier coup de cœur musical ? Dernier concert aimé ?

L’album de Zone Libre, intitulé « polyurbaine » est vraiment canon. Des beats free rock superbes, un Serge Teyssot-Gay au sommet de son art, sur les textes rap inspirés de Mike Ladd et Marc Nammour.

Le dernier concert, celui du chanteur rouennais Boule au Wallaby bar jeudi dernier sur le Havre. Plaisir de la promiscuité, drôleries, finesse et poésie au rendez vous.

Après le CD, une tournée prévue en 2016 ?

J’ai pressé 500 disques. De quoi assurer une promo pendant quelques mois, un luxe que ne se permettrait aucune maison de disque à l’heure d’aujourd’hui, j’ai le temps pour moi, aucune contrainte liée à la vente. L’idée est de faire connaître celui ci à travers les médias petits ou grands, et si l’accueil est favorable, si je ressens une demande, si les connexions nécessaires pour la logistique live sont réunies, alors je présenterai les chansons sur scène dans une formule à l’esprit rock.

C’est chouette la Normandie ?

Et oui la Normandie réunifiée, c’est plutôt une bonne chose 😉

Le Havre et les bords de mer haut-normands (Honfleur, Trouville, Etretat et la pointe de Caux) font partie de mes sources d’inspiration. J’aime marcher le long de l’eau et scruter l’horizon, un ailleurs impalpable à flanc de falaise. Les couleurs du ciel sont souvent scotchantes et invitent à la rêverie. J’ai besoin d’être en mouvement pour que les mots surviennent. J’aime tout autant l’envers du décor, les usines et son environnement cyber punk, les parcs à containers, les bâtiments délabrés en attente de la fameuse reprise, les voies ferrées insolites, les terminaux d’où sont chargés les containers, un flux incessant de marchandises, un va et vient perpétuel dans une ville en pleine évolution. A 2 heures de la capitale, le bout du monde.

Un message à nos lecteurs ?

N’hésitez pas à sortir, à rester éveillé et curieux, à découvrir les petits trésors qui se produisent dans les cafés concerts, il y a du bon partout. Et pour les lecteurs souhaitant découvrir mon album, je les invite à me contacter via Facebook pour échanger quelques mots et éventuellement faire parvenir celui ci, plus dans l’idée d’un troc pour le moment.

Album Poésie Rock
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Jérôme «tête de chou » V.

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