22 ans déjà que le festival Les Femmes s’en Mêlent ravit les oreilles et yeux avides de sensations mettant presque exclusivement les femmes sur le devant de la scène. Cette année le Trabendo a accueilli l’édition parisienne étalée sur trois jours du 4 au 5 avril. Chaque année une illustratice est mise à l’honneur pour réaliser l’affiche du festival, et là c’était à Hyperbaudet d’attirer les regards. Bien que la programmation initiale fut quelque peu bouleversée par des contretemps ou impératifs économiques, voici en résumé la teneur de toute la ferveur musicale féminine découverte lors de cette édition parisienne…
Le line-up du jeudi 4 avril de lancement commençait avec deux premiers concerts à l’extérieur, un des avantages du Trabendo, et le temps plutôt clément a permis de faire tout d’abord connaissance avec Cœur. Au micro des chanteuses atypiques toute de blanc vêtues font vibrer un petit air d’été, une grande brise de jeunesse avec un kitsh jovial et rafraichissant qui nous replongerait presque dans l’univers de quelques Spice Girls revisitées en « space girls » ! Wow !
A peine le temps de se restaurer un peu, qu’à la suite en extérieur nuit Circé Deslandes envouta un public grandissant de lueurs oculaires à la manière de la voute céleste devant une mise en scène aussi intéressante pour les yeux que pour les oreilles.
Une galaxie de constellations de sons agrémentés avec soin par de lumineux mots justes fit briller des étoiles filant ses titres en français. Pendant ce temps à l’intérieur, Kate NV, nom d’artiste synth-pop de la moscovite Katya Shilonosova, faisait sensation en tenant son micro d’une main alors qu’elle Djette de l’autre, le tout en une incroyable légéreté.
Elle a su à juste titre envahir nos sens d’un délicieux exotisme aux influences japonisantes lors de divers morceaux tirés de son dernier album для FOR (RVNG Intl, 2018). Ensuite la clameur du public a accueilli en tapant des mains Requin Chagrin. On savait déjà qu’on allait passer un super moment, intense et avec du français bien ciselé sur des morceaux issus de Semaphore (KMS Disques, 2019) sur un flow de surf new wave music, certains diront yéyés, yes pourquoi pas !
Revenant à un nom plus commun, Marion Brunetto nous mène à travers les océans d’un monde mélancolique aux guitares aquatiques. Une guitare et une batterie c’était le mariage d’amour parfait pour poursuivre la soirée et ne pas se faire dévorer par un requin sans un regain de dynamisme comme Shannon Wright sait le transmettre à son public.
Shannon Wright cultive des chansons intimistes et superbement taillées dans la matière vocale du verbe. On voit oh combien cette chanteuse et guitariste hors pair a du style sur scène même assise au sol et là c’est la dextérité musicienne qui parle même en position de roulade allant jusqu’à une scène de roucoulade en position surréaliste guitare en action et jambes en l’air pour se relever sans mal après ! Juste après la tempétueuse Shannon Wright, le clou de la soirée arriva vers 23h30 pour fixer l’attention du spectateur plus qu’impatient de prendre place devant la sensualité sonore exacerbée d’Anna Calvi.
En rouge et noir, avec le blanc éclatant de ses boots à talons, elle a littéralement fait taire le silence pour mieux attirer les regards vers elle et son aura rock puissant en guitare voix même en cet horaire tardif.
Vendredi 5 avril 19 intérieur nuit,
Pouvoir tout voir, tout entendre est vraiment un challenge auquel tout festivalier se trouve face à face. Mais devant Tiny Ruins, groupe néo-zélandais d’Holly Fullbrook et Cass Basil on se souvient à quel point les femmes qui se saisissent de guitares peuvent être incisives et exceptionnelles en matière de rythme et de tempo.
L’impressionnante performeuse était accompagnée d’une batterie au masculin signant la complémentarité parfaite en matière de résonances vibratoires aux sons du nouvel album Olympic Girls (Milk ! / Marathon Artists Records, 2019) tout juste sorti dans les bacs deux mois auparavant. Emily Wells, l’américaine qui navigue entre hip hop et musique classique, s’est vêtue d’un ensemble combi en jeans pour travailler à électriser la salle avec son clavier couplé aux vibrantes effluves sonores s’échappant du violoncelle électro de son partenaire de scène.
C’était sans compter sur le fait qu’elle saisisse son violon en fermant les yeux pour nous enchanter avec de superbes morceaux avant de prendre des baguettes à taper sur des grosses caisses ou cymbales isolées d’une batterie de cuisine musicale. La sienne est celle d’une grande cheffe orchestrale. Ensuite, Camilla Sparksss, Barbara Lehnhoff à la ville, fit des allers retours entre synthé et platine DJ vinyle en groovant et donnant de la voix à son set électro lo-fi synth pop experimental en solo dont plusieurs titres issus de son nouvel EP Brutal (On the Camper Records) sorti ce même 5 avril.
Elle qui est souvent accompagnée de danseurs a largement occupé la scène d’ondes cold wave par la même occasion ! Georgia UK pratique aussi la batterie comme instrument de culture et d’énergie insufflée à son chant en charmeuse elle a subjugué bien des spectateurs et a ainsi fait connaître son nouveau single sorti fin mars « About Work The Dancefloor », de l’électro pop mêlant les thèmes de l’amour et de la passion à la mélancolie.
Le samedi 6 avril, ultime soirée au Trabendo, on s’est dit qu’on allait pouvoir apprécier mieux et plus longtemps tous les shows des différentes performeuses
au menu jusqu’à pas d’heure, alors on a vite rejoint Otha en intérieur.
Otha nous a alors reconnecté à une certaine forme de minimalisme vocal au sein d’une nature sonore perceptible aussi dans l’univers de son projet en vidéo clips, auquel on recommande vivement de s’imprégner.
Ionnalee, nom de scène de la suédoise Jonna Lee dont se fut le premier passage parisien lors de la soirée du samedi a attiré les spectateurs lors de sa performance atypique de vraie show girl en tenue de super woman argentée lui collant magnifiquement à la peau et accompagnée d’un écran vidéo aux silhouettes humaines et effets psyche-kaleidoscopiques captivants ! On a peut-être aussi saisi au passage le symbolisme de son autre tenue à poils sans doute pour défendre la cause animale, ou encore sa cape transparente de luciole démente ! La danse, le sourire et l’énergie n’ont laissé aucun répit lors de son set. Le duo britannique Sink Ya Teeth enchaîne en mode plus rock post-punk dance avec batterie électrique et guitare basse saupoudré de pop et dance music, au doigté sur cordes remarquable de Gemma Cullingford et aux ondulantes vocalises de Maria Uzor au chant en va et vient entre batterie et clavier.
C’est vraiment le duo à retenir de l’édition parisienne avec leur alchimie parfaite et leur élégance en scène frisant la cold wave. De deux femmes on passe à trois avec le trio sud-africain Dope Saint Jude se livre à un set non stop mettant à l’honneur le ghetto-flow qui capte l’intérêt du public grandissant s’amassant au pied de la scène galvanisée, on en a pour nos oreilles et nos consciences.
En tenue combi jeans bleu de travail ou habits chic noir et blanc, les deux rappeuses queer ont enjoint l’assemblée à les suivre pour ne plus les lâcher en s’affirmant avec verve et ferveur en faveur de l’égalité femme-homme et de la lutte contre le racisme avec quelques titres de leur deuxième EP Resilient (Platoon, 2018) avec notamment des thématiques au cœur de la question du genre si actuelle. Ils sont également programmé au Printemps de Bourges 2019, session de rattrapage pour qui continue de ne pas les découvrir ! PONGO a fait sortir une ribambelle de téléphones portables et lever une myriade de bras afin de saisir toute l’intensité et la force au cœur de son projet en live ce soir-là.
En égérie du kuduro, une danse et aussi un mix d’afropop, semba, break dance lusophone, PONGO a fait sa belle de scène produisant une performance vocale époustouflante. C’était l’introduction idéale à la suite et fin d’un jusque au bout de la nuit avec le set de F/cken Chipotle, DJ résidente du collectif Barbi(e)turix. Mais à cette heure la fatigue eut raison de la passion de toutes ses (re)découvertes ayant rythmées l’organisme lors de cette édition parisienne, à l’année prochaine Les Femmes S’en Mêlent.
Van Mory-D
© Florie Berger